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A l’occasion de mes quelques recherches sur la Bulgarie, j’ai découvert l’existence de ce film nous narrant l’un des épisodes les plus glorieux de  l’histoire de ce pays, et consacré à l’un de ses plus grands personnages historiques : le tsar Jean Kalojan.

Réalisé par le duo Yuriy Arnaudov / Dako Dakovski, Kaloyan est une œuvre aux fragrances patriotiques fortement influencée par le régime communiste de l’époque. Il évoque ainsi tous les métrages soviétiques de la période qui usaient de l’Histoire pour appuyer leur propagande, avec un récit cultivant un fort manichéisme et des personnages se sacrifiant pour la gloire de leur nation.  Si l’on y ajoute la théâtralité du jeu des comédiens (plutôt doués, ceci dit) et des reconstitutions de bataille au rythme mollasson (la bataille d’Andrinople a beau être luxueuse, elle n’en est pas moins mal foutue), l’ensemble peut apparaît bien kitch, voire un peu ridicule. Pourtant, Kaloyan est loin d’être un film inintéressant.

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En effet, en plus de bénéficier de confortables moyens et d’une imposante figuration, autorisés par les facilités de tournage mises en place par les administrations communistes (une production financée par l’état et des figurants « bénévoles » tirés dans les rangs de l’armée), le film développe un sujet assez rarement  exploité, donc forcément intéressant : la genèse de ce puissant royaume de Bulgarie qui allait dominer les Balkans jusqu’à la fin du XIV° siècle. Forcément intriguant.

Nous sommes en 1199, le jeune et sympathique Jean Kalojan se retrouve sur le trône de  l’Empire de Bulgarie après l’assassinat de son frère Ivan Assen. La tache qui l’attend est ardue. Alors qu’il doit contenir la pression des Romains (les Byzantins) qui voudraient bien intégrer le pays dans leur Empire romain d’Orient, il doit aussi faire du ménage dans son palais (sous l’influence des boyards, ces nobles aux bourses plus remplies que les caisses du royaume) et composer avec les différentes ethnies peuplant la Bulgarie, comme les turbulents Coumans du khan Malastar, son beau-frère. Il est aidé dans sa tache par son conseiller, le fidèle Milat, et peut compter, dans les moments de doute, sur le réconfort que l’on procure Maria, sa fille.

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Le film nous décrit un souverain volontaire, mais aussi lucide et amoureux de sa terre et de son peuple. Une bonne partie du métrage nous dresse le portrait  très positif d’un chef d’état éclairé se penchant à réconcilier ses vassaux en usant (le plus souvent) de dialogues et appuyer la position de son empire en s’attirant les bonnes grâces des églises catholiques et orthodoxes – il profite d’ailleurs de leur rivalité. Cependant, alors qu’il commence à réussir asseoir son autorité (il reprend même Narva, port d’importance et place stratégique, aux Byzantins), en 1204, une menace venue de l’Ouest remet en question tous ses acquis : la quatrième croisade, financée en grande partie par la république de Venise. Un corps expéditionnaire redoutable, qui vient de mettre à genou Constantinople et installer sur le trône du nouvel Empire Latin le franc Baudoin de Hainaut (interprété par un comédien qui en fait des tonnes dans le registre «cruel envahisseur occidental », grimaces sadiques à l’appui).

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Devant la puissante chevalerie de Baudoin, Jean Kolajan semble ne pas faire le poids. Pour armée, il ne peut compter que sur des levées de miliciens et l’indisciplinée cavalerie légère du khan Manastar.  Pourtant, en avril 1205, sur le champ de bataille d’Andrinople, la force hétéroclite et mal armée de Kalojan écrase des croisés victimes de leur suffisance. La puissante armée de Baudoin est annihilée et leur chef capturé. Les réalisateurs nous offrent alors un tableau riche en symboles où le tsar pose devant la caméra, les armes à la main, avec un Baudoin humilié à ses genoux.

Bref, Kalojan est une curiosité. Une œuvre agréable à visionner qui se permet quelques libertés mais qui reste assez proche de la réalité historique, surtout dans le déroulement des évènements (la tentative de séduction du pape Célestin III, l’alliance contre-nature entre Bulgare et Byzantins exilés, l’ambition démesurée de Baudoin…).

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Ma côte : 3.5/5

Kaloyan (Bulgarie – 1963)
Un film réalisé par Yuriy Arnaudov  et Dako Dakovski
Avec Vasil Stoychev (Jean Kalojan), Bogomil Simeonov (Milat), Andrey Mihaylov (khan Malastar), Spas Dzhonev (Boril), Magdalena Mircheva (Chichek)