Dés 1491, le jeune roi Jacques IV a maille à partir avec les MacDonald. Désireux de récupérer leurs biens, et notamment le riche comté de Ross, ils organisent une rébellion sous le commandement d’Alexandre de Lochalsh, cousin germain de feu Angus Og (victime d’un crime passionnel en 1490), avec le soutien du clan Cameron. Mais après avoir pris Inverness, les rebelles sont vaincus à Blair na Park, sur les bords de la Connan, par le clan MacKenzie, fidèle à la Couronne.
LA LUTTE CONTRE LES MACDONALD
En 1493, Jacques IV prend une décision importante, qui allait peser très lourd dans l’histoire des Highlands. A la stupéfaction générale, il déclare la confiscation de toutes les terres des Seigneurs des Iles et leur rattachement à la Couronne. Cet acte grave qui vise à priver les MacDonald de toute possession entraîne une situation chaotique dans les îles. Humilié, Jean d’Islay meurt dans la misère la plus totale alors que les jeunes MacDonald s’entretuent pour s’emparer d’une maigre succession. Leurs vassaux, comme les MacLean, les MacNeill, les Cameron et les Chattan, toutes comme les branches parentes (les Clanranald et les Glengarry) deviennent des sujets de la Couronne indépendants. Jacques IV nomme ensuite l’un de ses parents Chambellan des Îles, installe une forte garnison au château de Dunaverty et fait arrêter et pendre à Edimbourg les quatre fils de Jean d’Islay. Quand à Alexandre de Lochalsh, il est assassiné un peu plus tard, alors qu’il préparait une nouvelle rébellion.
Jacques IV fait donc preuve d’une grande fermeté envers ceux qui défient son autorité. Mais, d’un autre côté, il fait aussi des efforts pour convaincre les septiques de sa légitimité. Il apprend le gaélique, il se rend souvent dans les Western Highlands pour dialoguer avec les plus réticents, et pardonne même aux Cameron. Il va cependant prendre conscience que ces peuples sont incontrôlables et ne comprennent que le rapport de force. Cela commence par la révolte des MacKay. Ne supportant plus le voisinage des Sutherland, 4000 clansmen déchaînes mettent les Highlands à feu et à sang. Puis, en 1501, les MacDonald se lèvent de nouveau, entraînant avec eux les MacKean et de nombreux autres clans des Îles. Il faudra attendre courant 1506 – soit encore cinq années de guerre civile! – pour que Jacques IV parvienne à mater cette nouvelle rébellion, qui s’achève par la capture de Donald Dubh, leader du mouvement.
Jacques V d’Ecosse et Marguerite Tudor
En 1512, traité de vassal par un roi Henri VIII d’Angleterre très agressif, soutenu par la France, le roi Jacques IV déclare la guerre à l’Angleterre. Le 9 septembre 1513, à Flodden, les troupes écossaises rencontrent l’armée anglaise. En ce jour qui reste comme l’un des plus sombres de l’histoire de l’Ecosse, l’armée est anéantie et le roi, qui a insisté pour combattre au milieu de ses hommes, est tué. Ce désastre plonge le royaume dans un nouveau chaos. Les clans des îles et des Highlands se sont bien battus à Flodden mais, de retour au pays, ils se soulèvent une nouvelle fois contre la Couronne. Le mouvement est dirigé par le fils d’Alexandre de Lochlash, Donald Gallda MacDonald de Lochalsh. Il se proclame Seigneur des Îles et, â la tête des MacDonald, s’empare de la forteresse de Castle Urquhart pendant que ses alliés MacLean attaquent la citadelle de Cairnburgh et que les MacLeod prennent l’île de Skye. Agissant au nom du roi, le comte Colin d’Argyll se rend dans l’Ouest et, aux moyens d’importantes dotations, parvient à remettre dans le droit chemin la plupart des partisans d’un Donald Gallda qui n’est pas aussi populaire que l’on pouvait le penser. La révolte de Donald Gallda s’achève la même année, quand sa petite armée est écrasée à la bataille de Craiganairgid. Au cours de cette bataille, Donald Gallda tue de sa main l’assassin de son père: MacLain d’Ardnamurchan. L’honneur est sauf.
A la mort de Jacques IV, son fils n’est pas encore en âge de régner. La régence, assurée par sa mère Marguerite Tudor, coïncide avec un rapprochement vers l’Angleterre (entamé sous Henri VII). Pas si surprenant lorsque l’on sait que Marguerite est la fille du roi Henri VII d’Angleterre… et la sœur aînée d’Henri VIII. En août 1514, la reine tombe sous le charme d’Archibal Douglas, comte d’Angus, qui a, lui aussi, beaucoup de sympathie pour l’Angleterre. Cette union entraine une vague de mécontentement qui s’achève avec l’éloignement forcé de Marguerite au profil de John Stuart d’Albany, qui dirige le pays jusqu’en 1524, quand il est renversé par un coup d’état fomenté par la reine-douairière. En 1528, Jacques V monte sur le trône. Il éloigne définitivement le comte d’Angus de la cour, garde sa mère comme conseillère et entame la reconquête de l’Ouest. Le nouveau roi inaugure et obtient satisfaction par le dialogue en traitant directement avec les clans.
Henri VIII d’Angleterre et Marie 1ere d’Ecosse
LA TRISTE HISTOIRE DE MARIE
En 1534, le roi Henri VIII d’Angleterre lance la Réforme et se détache de l’église papiste. Il aimerait bien que son neveu en fasse autant mais, à sa grande déception, en 1538, Jacques V épouse une française, Marie de Guise-Lorraine, une fervente catholique. En 1542, Henri VIII, homme à la rancune tenace, désormais roi d’Angleterre et d’Irlande, déclare l’annexion de l’Ecosse. Jacques V, déjà très malade, envoie une armée à sa rencontre. Son représentant, Oliver Sinclair, est battu à la bataille de Solway Moss le 24 novembre 1542. Deux semaines plus tard, Jacques V meurt à l’âge de 30 ans. Les deux fils de Jacques V étant morts en bas âge, le trône revient à sa fille, Marie Stewart, née le 8 décembre. A partir de cette date, pendant près de vingt ans, sous la régence de la reine mère et de James Hamilton, l’influence de la France est très forte en Ecosse. Marie de Guise-Lorraine refuse même de donner la main de sa fille à Henri VIII qui, fou de rage, envoie ses troupes envahir l’Ecosse et ravager Edimbourg. «Brûlez la cité d’Edimbourg, qu’elle soit défigurée et rasée, quand vous l’aurez mis à sac et pillé tout ce que vous pourrez, pour qu’elle demeure à jamais dans la mémoire des hommes comme la vengeance de Dieu!» (Henri VIII).
Dans l’Ouest, la situation n’est guère meilleure. Profitant des difficultés que connait le Royaume, les clans des Western Highlands se sont réunis dans un Conseil des Îles. Les MacLean, les MacDonald, les MacNeill et les MacLeod ravagent les terres d’Argyll et se regroupent en une grande armée dans le but de faire jonction avec les 3,000 guerriers de Donald Dubh, venus d’Irlande sur une flotte de 180 galères et 1,000 marins. Mais, une nouvelle fois, la Couronne va être sauvée par les dissensions internes et la rivalité entre les clans. Après s’être violemment disputés au sujet de la répartition des fonds, les chefs, accompagnés de leurs hommes, regagnent leurs terres. Donald Dubh, dégouté, rentre en Irlande. Quand à James McDonal d’Islay, Seigneur des Îles, il ne peut que constater les dégâts.
En 1547, à la mort d’Henri VIII, les troupes anglaises se retirent d’Ecosse, remplacées par des garnisons françaises. Un an plus tard, Marie de Guise-Lorraine envoie sa fille en France, à la cour de Catherine de Médicis, c’est durant cette période que Marie Stewart voit son nom devenir Marie Stuart. Cependant, même dans une Ecosse profondément catholique, la Réforme fait son chemin et en décembre 1557, de nombreuses grandes familles écossaises (dont les d’Argyll!) signent la First Covenant of Scotland, qui officialise l’existence du mouvement presbytérien écossais. En 1558, Marie Stuart, qui réside toujours en France, épouse François, le dauphin de France. Au même moment, en Angleterre, la reine catholique Marie Tudor meurt et la Réforme est de nouveau au pouvoir avec l’avènement de sa sœur Elisabeth.
En France, l’année 1659 voit l’époux de Marie Stuart devenir roi de France sous le nom de François II. Les couronnes d’Ecosse et de France sont enfin réunies. Mais pour peu de temps. Le 11 juin 1560, Marie de Guise décède à l’âge de 45 ans, laissant la régence à John Knox, qui a des sympathies pour la Réforme. Et le 5 décembre 1560, le jeune François II (16 ans) meurt (peut-être d’une méningite, ou d’une otite qui aurait dégénérée) et Charles IX monte sur le trône de France (comme il n’a que dix ans, c’est sa mère, Catherine de Médicis, qui prend la régence). Catholique convaincue, Marie Stuart rentre en Ecosse, un pays qu’elle ne connait finalement que très peu, pour y défendre sa foi tout en faisant preuve de tolérance (elle s’entoure même de conseillers proches de la Réforme). Mais dans l’austère univers écossais, la jeune femme d’éducation française ne fait pas l’unanimité. On la trouve trop frivole, trop audacieuse, voire trop… jolie! Elle commet aussi quelques «maladresses», comme lorsqu’elle épouse en 1564 le catholique Henry Stewart Lennox… avant de le faire assassiner deux ans plus tard, pour avoir supprimé physiquement un courtisan un peu trop empressé. Finalement, ce qui lui coûte le trône (et, plus tard, la vie), la bévue de trop, c’est son mariage avec le comte de Bothwell, un protestant, le 15 mai 1567. Une union, qu’elle célèbre tout de noir vêtue, et qui déclenche un véritable scandale.
Marie 1ere d’Ecosse, discréditée et conduite en forteresse, doit abdiquer pour sauver sa vie. Son mari, Bothwell, fuit en Norvège. Un an plus tard, bénéficiant de complicités, elle parvient à s’évader et monte une armée pour tenter de reprendre son trône. Mais elle est vaincue à Langside par le comte de Morlay. Elle cherche alors refuge en Angleterre auprès de sa cousine Elisabeth… qui la jette dans une cellule de prison, qu’elle ne quittera que 17 ans plus tard. Pour être décapitée.
Marie de Guise-Lorraine et Elisabeth 1ere d’Angleterre
LA PERSECUTION DES MACGREGOR
En 1583, après de nombreuses années de régence chaotique (quatre régents successifs!), l’Ecosse a enfin un nouveau roi. Jusqu’en 1603, date à laquelle il va également devenir roi d’Angleterre (sous le nom de Jacques 1er d’Angleterre), Jacques VI d’Ecosse va tenter de rétablir la situation dans un pays au fonctionnement anarchique. Bien décidé à composer avec les grandes tendances du Royaume, catholiques et protestantes, il n’arrive pas à rester clairvoyant concernant les manigances de certains de ses proches, comme les Argyll du clan Campbell. Influencé par ces derniers, il s’acharne sur les MacDonald qui, pourtant, sous la tutelle de James MacDonald de Dunyveg, sont bien disposés envers la Couronne. Les MacDonald sont pourchassés, on confisque leurs biens (évidemment, les Argyll ne sont pas les derniers à se servir et s’attribue le beau château de Dunyveg) et, pour sauver leurs vies, ils sont obligés de s’exiler en Irlande et aux Pays-Bas Espagnols. Cette influence dure jusqu’en 1619, quand le roi apprend que le comte d’Argyll s’est marié dans la clandestinité aux Pays-Bas Espagnols avec une catholique. Argyll est alors disgracié mais quand Jacques VI se rend en Angleterre pour succéder à sa cousine Elisabeth 1ere, le clan Campbell est bien le plus puissant des Lowlands.
Le départ du gouvernement d’Edimbourg pour Londres augmente encore plus le désir d’émancipation des peuples des Highlands, qui restent incompris de la plupart des Ecossais. Jacques VI, qui n’a que mépris envers ces gens, déclare un jour à leur sujet: «Quand aux gens des Highlands, je les divise sommairement en deux sortes: ceux qui habitent sur notre continent et qui sont barbares mais teintés d’un vernis de civilité, et les autres, qui habitent les îles et sont totalement barbares…» Cette manière d’appréhender les spécificités des highlanders va être le déclencheur de nombreux drames, le début d’une sévère ségrégation culturelle, et amplifier les aspirations indépendantistes des clans.
Durant le règne de Jacques VI, le clan le plus agité est sans nul doute celui des MacGregor. Les MacGregor ont une sinistre réputation, qui fait que l’on les écarte volontiers des affaires des Highlands, ce qui n’est pas pour leur déplaire. Mais avec l’extension de la puissance des Campbell, ce clan commence à se sentir menacé et, en 1588, ils entament des actions contre tous les sympathisants à la Couronne. Leur chef, Alastair MacGregor, prône la tactique de la « petite guerre » et ses partisans sont insaisissables. Cependant, en 1602, son jeune frère Ian Dubh commet une erreur en s’attaquant au petit clan de Colquhoun de Luss, sur le Loch Lommond, connu pour sa neutralité. Profitant de l’aubaine, le roi autorise les clans est Highlands à partir en campagne contre les MacGregor. Alastair tente de riposter en marchant sur les Colquhoun qu’il bat à Glen Fruin le 7 février (Ian Dubh trouve la mort dans la bataille). Mais, avec seulement 400 clansmen, les MacGregor ne peuvent espérer gagner à long terme. L’existence du clan tourne en un cavale qui va durer deux ans, date de la reddition d’Alastair MacGregor (pendu à Stirling le 20 janvier 1604). Pour le clan, c’est la fin. Leur nom est aboli, les femmes débaptisés et les hommes et les enfants sont déportés en masse en Irlande. En 1611, hormis quelques petits groupes isolés, le clan MacGregor a cessé d’exister.
Bataille de Flodden Field
Plus dans le nord, les autorités de Jacques VI ont également fort à faire avec le clan insulaire des MacLeod, très belliqueux. La première expédition royaliste, en 1597, dite des Five Adventurers, tourne mal et les 600 mercenaires du duc de Lennox sont rejetés à la mer lors de leur tentative de débarquement sur l’île de Lewis. Une deuxième expédition, menée par les MacKenzie, n’est guère plus heureuse. En fait, c’est la politique de corruption qui finit par avoir raison des MacLeod, au profit des MacKenzie. Trahi, Neil MacLeod est arrêté puis décapité en 1613. La prise d’importance des MacKenzie dans la région est rapidement enraillée par une réaction des MacDonnell de Glengarry qui les battent dans une violente bataille baptisée le massacre de Killchrist.
Finalement, excédé par tous ces troubles, Jacques VI fait paraître en 1608 un édit qui interdit dans les Highlands la boisson, le port d’arme et l’usage de la langue d’Irlande. Un décret qui apparaît plus comme un vœu pieu. La Couronne est loin d’en avoir terminé avec les turbulents Highlanders.