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18 juin 1917. Après avoir coulé un cargo britannique et massacré son équipage désemparé, le U-29, commandé par le commandant Graf von Altberg-Ehrenstein, plonge pour une nouvelle mission. Arrivé à destination, le submersible fait surface et l’on découvre sur le pont avant, agrippé au bastingage, le corps d’un marin anglais. Dans sa poche, une étrange miniature en ivoire, représentant un visage féminin, qui est récupérée par le lieutenant Klenze. Quelques temps après cette découverte, certains membres d’équipage tombent malade, et commencent à perdre la raison…

Il y a quelques temps, j’avais eu le plaisir de lire une version graphique des Montagnes Hallucinées, aux éditions Akileos. Fortement séduit par cette adaptation réalisée par Ian Culbart, et gros fan de Lovecraft, je me suis penché sur les autres parutions de cette petite mais dynamique maison d’édition, histoire de voir si elle ne réservait pas quelques autres petites surprises tentaculaires. C’est ainsi que j’ai découvert, et rapidement acquis, U-29, une bande dessinée tirée de l’un des premiers textes «cthuliens» de l’auteur de Providence: Le Temple. Œuvre mineure, certes, mais assez sympathique.

Cet album de 48 pages est la fidèle retranscription graphique de cette nouvelle datant de 1920. Très représentative de l’œuvre de Lovecraft, elle conte l’histoire dramatique de l’équipage d’un submersible allemand qui sombre dans la démence alors que le navire, poussé par un puissant et mystérieux courant, les entraîne irrémédiablement vers l’inconnu. Bien inspiré, tout en faisant dans le classique pour faciliter l’immersion du lecteur, le scénariste Rotomago réussit à bien entretenir les aspects énigmatiques de l’intrigue (l’omniprésence des dauphins, la disparation des matelots), l’atmosphère anxiogène qui règne dans ce vaisseau désemparé… et la terreur qui prend progressivement possession des membres d’équipage. Il s’attarde particulièrement sur les deux personnages principaux, le commandant du navire, un prussien au sang froid (il n’hésite pas à éliminer physiquement tous ceux qu’il pense être nuisible à la poursuivre de sa mission) et doté d’un fort esprit cynique, et son second, Klenze, un homme dont la sensibilité finit par se dévoiler et déclencher le mépris de son supérieur.

Autant le dire de suite, pour apprécier pleinement U-29, il est préférable de connaitre – et d’aimer – l’univers fantasmagorique et horrifique de Lovecraft. Par contre, comme le texte fait peu de références au Mythe (en 1920, même si Dagon date de 1917, l’écrivain était toujours en train de mettre en place sa mythologie, et la cité engloutie visitée ici évoque plus une vision de l’Atlantide que la cité de R’lyeh), que l’intrigue reste assez simple et, par quelques éléments, qu’elle renvoie à quelques classiques du fantastique, U-29 peut être une première étape pour quelqu’un désirant explorer l’œuvre de l’écrivain. Il faut dire que l’espace confiné qui compose l’intérieur d’un sous-marin et l’immensité obscure des profondeurs océanes se prêtent pleinement à l’exploitation de l’horreur lovecraftienne, qui repose en grande partie sur l’imagination du lecteur.

Le travail d’écriture de Rotomago est bien mis en valeur par les dessins de Florent Calvez qui a réussi à retranscrire sur le papier l’essence angoissante et schizophrène du texte, avec ces gros plans sur des visages tourmentés, un coup de crayon nébuleux pour mettre en image les cauchemars des matelots, et un style volontairement épuré qui laisse la part belle à la narration. Puis, dans les dernières planches, quand il s’agit de faire dans le spectaculaire avec la découverte de la cité engloutie, Florent Calvez est également efficace, en usant de plans larges d’inspiration cinématographique et en appuyant les perspectives pour donner aux ruines des dimensions cyclopéennes et inhumaines. Efficace et élégant.

Ma côte: 4/5

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U-29
Une bande dessinée de Rotomago et Florent Calvez, d’après une nouvelle de H.P. Lovecraft
Parue aux éditions Akileos (Juin 2005)
Prix conseillé : 13,90€