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Résumer en un peu plus de deux heures la destinée d’un homme comme Jules César peut apparaître, aux yeux de beaucoup, comme une chose impossible. Mais il en fallait plus pour intimider le réalisateur allemand Uli Edel et les scénaristes Peter Pruce et Craig Warner qui, de sa fuite de Rome en 80 av. JC à sa mort sur les marches du Sénat, offrent au public plus de trente années de la vie de celui qui fut à l’origine de la création de l’Empire Romain et de la dynastie des Julio-Claudiens.

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Plusieurs décennies d’une vie tumultueuse en 150 minutes. Pfiou, inutile donc de préciser que Jules César, luxueuse production télévisuelle au casting très intéressant, use de raccourcis qui peuvent gêner les puristes aux entournures, omet quelques faits importants – ou les met au second plan – et ose même quelques petites digressions romanesques. Des choix, forcément nécessaires pour atteindre l’objectif visé, qui ont pour conséquences de simplifier à l’extrême une période de l’Histoire riche en événements et la réduire à son plus simple appareil dramatique et politique. Le spectateur, abusé par un scénario finalement assez bien écrit (on en s’ennuie jamais) mais s’attardant trop sur certains événements et en négligeant d’autres, se retrouve au final devant un film, du point de vue historique, imparfait et incomplet. La guerre civile, par exemple, semble durer une semaine au lieu de trois ans, et l’on a l’impression que César y a eu la partie facile (alors qu’il en a sacrément bavé, quand même). Quand à la guerre contre Ptolémée XIII, le film n’en parle même pas. Bref, ce métrage se pose plus comme une sélection arbitraire de «tranches de vie» dressant un portrait de César que comme un vrai film historique.

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L’histoire peut se résumer en quatre parties. La première se déroule sous la dictature de Sylla. Une période difficile pour le jeune César, obligé de fuir Rome pour une longue période d’exil où il va s’endurcir… et se battre contre des pirates crétois (on aurait préféré être témoin de ses premières armes en Asie, au coté de Lucullus, mais bon). La seconde partie traite de son retour à Rome après la mort de Sylla, de son amitié avec Pompée (son meilleur ennemi) et résume La Guerre des Gaules… en oubliant Gergovie et en introduisant un Vercingétorix pas très crédible (l’acteur allemand Heino Ferch) mais nettement moins ridicule que Christophe Lambert. La troisième partie nous conte la guerre civile entre César et le parti de sénateurs qui lui est hostile (Pompée, Caton le Jeune, Cicéron, Cassius et Brutus), cela de manière très expéditive (pas de combat naval, pas de bataille de Pharsale, pas de campagne de Tunisie…), mais fort de ces joutes verbales qui secouaient régulièrement la Curie. Et enfin, la dernière partie, la plus courte, se penche sur la prise de pouvoir de César, sa liaison avec Cléopâtre et le complot qui lui coûte la vie. Bref, question historique, en visionnant Jules César, vous saurez tout sur lui… sans apprendre grand chose.

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En fait, si le spectacle proposé par Uli Edel, malgré les défauts précités, reste agréable, c’est dû en grande partie à une réalisation élégante et efficace. Le moindre euro investi par la production (environ 20 millions de dollars) est utilisé à bon escient par ce spécialiste des petits budgets ambitieux (d’ailleurs, je vous conseille chaudement, si vous ne l’avez pas encore vue, l’excellent téléfilm L’anneau sacré, où Uli Edel nous présente sa version de la légende du trésor des Nibelungen). Les scènes de batailles, si elles ne sont pas très nombreuses (cela se résume en général à quelques plans sur le champ de bataille à la fin des affrontements), elles sont plutôt réussies, avec des plans numériques de qualité très acceptable et des effets de masse convaincants. La bataille d’Alésia est celle qui fait l’objet du plus long traitement, et elle est si spectaculaire que l’on oublie un moment que l’on est devant un téléfilm. La reconstitution de la ville de Rome (mélange de plans numériques et de décors réels) est également convaincante, Uli Edel ayant la bonne idée d’éviter au maximum les plans larges afin de masquer une figuration que l’on devine peu nombreuse. De gros efforts ont été également été faits pour rendre l’ensemble réaliste et véridique, notamment dans les costumes et les équipements militaires.

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Autre point fort du film: le casting. Si Jeremy Sisto, qui interprète Jules César, n’est pas à proprement parlé une star du cinéma (ni du petit écran), il s’en sort bien, même quand, dans la deuxième moitié du métrage, il doit incarner un personnage qui a vingt ans de plus que lui (l’acteur a 27 ans au moment du tournage). Le comédien parvient de belle manière à restituer cet étrange mélange d’assurance – voire d’arrogance -, de confiance et de sagesse cité par les contemporains de César quand ils parlaient de lui. A ses cotés, Richard Harris (décédé durant le tournage) assure comme le grand comédien qu’il était le rôle de l’impitoyable Lucius Cornelius Sulla, dit Sylla ; Valeria Golino est géniale – et magnifique! – en Calpurnia (seconde épouse de César) ; Christopher Walken est la personne idéale pour citer Caton le Jeune, grande figure du stoïcisme, et Chris Noth nous offre un Pompée intéressant, un peu kitch, qui évoque les personnages de péplum des années 50 (peut-être parce qu’il me rappelle Cameron Mitchell). Quand à Ian Duncan, il nous offre un Brutus faible et influençable, un point de vue apte à diviser les spécialistes. D’autres personnalités faisant partie de l’entourage de César sont un peu mises en retrait, mais par pour autant négligées par leurs interprètes, comme Sean Pertwee en Labienus, Kate Steavenson-Payne en Portia et Paolo Briguglia en Cicéron. Décevant, par contre, les prestations vraiment quelconques de Jay Rodan en Marc-Antoine et de la fade Samuela Sardo en Cléopâtre. Enfin, on peut regretter que le personnage d’Octave, futur Auguste, ait été oublié.

Jules César, un spectacle intéressant, bien réalisé et bien interprété, qui présente un Jules César crédible, mais s’appuyant sur un scénario trop superficiel et partisan.

Ma côte : 3/5

Jules César (USA/Allemagne/Italie/Pays-Bas)
Titre original : Julius Caesar
Un film d’Uli Edel
Scénario de Peter Pruce et Craig Wagner
Avec : Jeremy Sisto (Jules Cesar), Richard Harris (Sylla), Christopher Walken (Caton le Jeune), Valeria Golino (Calpurnia), Chris Noth (Pompée), Pamela Bowen (Aurelia), Heino Ferch (Vercingétorix), Sean Pertwee (Labienus), Ian Duncan (Brutus)…

Disponible en DVD chez BAC Films (19 mai 2009)