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En 1882, le gouvernement britannique répond à l’appel de Tawfiq Pacha, le khédive d’Egypte, qui se retrouve menacé par une révolte nationaliste menée par le colonel Ahmed Urabi. Urabi défait à la bataille de Tel El-Kebir et le mouvement contestataire étouffé, les Britanniques remettent Muhammad Tawfiq sur le trône et profitent de l’occasion pour s’installer durablement en Egypte. On assiste alors à une sorte de coopération entre le gouvernement égyptien – qui ne doit son existence qu’à la présence des occidentaux – et l’administration Britannique. Dans les faits, toutefois, c’est bien désormais la reine Victoria qui contrôle les destinées communes de l’Egypte, du Soudan… et du canal de Suez.

On pourrait croire la situation rétablie mais si la présence Britannique – qui contribue au maintien de l’ordre – est forte dans la région du delta du Nil, elle l’est beaucoup moins dans le Sud, où, de plus, les opposants à Tawfiq Pacha ne manquent pas. Le plus virulent de ces contestataires est un certain Muhammad Ahmad idn Abd Allah Al-Mahdi, qui n’est pas qu’un simple agitateur politique mais aussi un homme sain qui prêche la guerre sainte et rêve de créer un nouvel état islamique (ce qu’il va réussir à faire durant quelques temps). L’homme, par la séduction ou la menace, va fédérer et monter une véritable armée.

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En 1885, alors qu’est au fait de son élan ce que les historiens désigneront sous le nom de révolte Mahdiste, un officier britannique, le major-général Charles Gordon, se refuse de se soumettre à sa mission qui est d’organiser l’évacuation de la ville soudanaise de Khartoum et se donne comme devoir de protéger la ville et ses habitants. C’est l’histoire de cet homme hors du commun, à la fois soldat, aventurier et missionnaire, et celle de la défense de Khartoum qui nous sont contées dans ce film de Basil Dearden et Eliot Elisofon, datant de 1966.

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Réalisé en super Panavision, Khartoum est une production britannique à grand spectacle à la mise en image académique et luxueuse, extrêmement représentatif du cinéma d’aventure de la période. Visuellement, c’est en conséquence un régal pour les amateurs de grands spectacles privés de toute artificialité. Le scénario de Robert Ardrey, lui aussi, hélas, suit les us cinématographiques des grosses productions des années 60, qui cultivaient jusqu’à l’écœurement le politiquement correct. Inutile, donc, de chercher une quelconque faille dans le profil psychologique du personnage principal incarné par un Charlton Heston qui tente, un peu vainement, de faire ressortir les tendances mystiques de Charles Gordon, un homme qui était reconnu pour son anticonformisme et son fanatisme religieux. Pour ce qui est de la fidélité historique, je n’ai qu’une connaissance assez générale du sujet – même s’il m’a toujours intéressé – je me garderais donc bien d’émettre un avis critique. Néanmoins, force est de dire que le fil des évènements ne surprend guère par la présence d’éléments peu crédibles, ce qui laisse supposer que les scénaristes ont du moins suffisamment étudié l’affaire pour en proposer une version dégrossie, mais plausible.

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Plus critiquable est le choix d’acteurs occidentaux pour interpréter les autochtones. Cela était chose courante à l’époque mais, ici, cela nuit vraiment à la crédibilité en raison de maquillages totalement ratés. Ainsi, Laurence Olivier, dont l’immensité du talent ne peut être niée, perd tout crédit avec son maquillage à la pelle à tarte qui le transforme en un étrange individu qui évoque le personnage de Fantomas. Version enturbannée. Et tous les autres acteurs qui interprètent des personnages égyptiens ou soudanais de premier plan sont logés à la même enseigne. C’est parfois même risible. A côté de cela, le récit reste assez retenu dans le domaine du racisme, il nous présente même un Mahdi, certes aveuglé par le fanatisme, mais intelligent, réfléchi et éduqué. Seul le domestique de Gordon Pacha, un esclave affranchi, épouse la figure du bon sauvage, aujourd’hui aussi ridicule que malsaine.

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Au final, le film est principalement intéressant de par le charisme de ses comédiens (j’ai failli oublier de citer l’excellent Richard Johnson), son découpage original sous forme d’actes (dont le rideau est accompagné d’une superbe musique de Frank Cordell) et l’impact de ses scènes de bataille, qui cultivent exotisme et grand spectacle et qui sont bien servies par une réalisation très convenue mais efficace. A noter également le final qui amène au spectacle un élément dramatique bienvenu, qui évoque quelque peu la chute de fort Alamo.

Ma côte : 3.5/5

Khartoum (GB – 1966)

Un film de Basil Dearden et Eliot Elisofon
Scénario de Robert Ardrey
Musique de Frank Cordell
Avec : Charlton Heston, Laurence Olivier, Richard Johnson, Ralph Richardson, Alexander Knox, Nigel Green…
Disponible en DVD aux éditions MGM/United Artists (2003)