Adressé par Winston Churchill à l’état-major de l’Amirauté britannique, cette ordre fut l’élément déclencheur de la plus grande chasse jamais organisée durant toute la seconde guerre mondiale. Une traque au monstre des mers qui, en 1941, mobilisa pratiquement la moitié des forces de la Navy. Cet impératif était une réaction à la dramatique destruction du H.M.S. Hood, fleuron de la flotte britannique, attribuée alors aux tirs de ce titan des mers qu’était le Bismarck (on sait aujourd’hui que le véritable responsable était le Prinz Eugen, le croiseur lourd qui escortait le Bismarck).

Lancé le 14 février 1939, trois mois avant son sister-ship, le Tirpitz, le cuirassé Bismarck, spécialisé dans la guerre de course (comprenez la destruction des convois alliés) sema la terreur dans l’Atlantique Nord pendant… 9 jours ! Oui, c’est incroyablement court, mais ses actions destructrices qu’il mena durant cette courte période et, surtout, la crainte que sa vue inspirait, suffit à faire de lui une légende. Et le sujet de ce film qui sorti dans les salles anglo-saxonnes le 11 février 1960 (et en France trois mois plus tard).

Réalisé par Lewis Gilbert, que les amateurs de James Bond connaissent bien mais qui a aussi œuvré avec bonheur dans le cinéma guerrier, Coulez le Bismarck ! apparait aujourd’hui pour le connaisseur comme un condensé d’erreurs. Les recherches effectuées depuis par Robert D. Ballard et James Cameron (je ne saurais que trop vous conseiller, si ce n’est déjà fait, son génial documentaire Expédition : Bismarck) ont en effet prouvé que le cuirassé n’a pas été coulé par des torpilles et des obus britanniques mais qu’il a été sabordé par son équipage. Pourtant, ce métrage produit par la Twentieth Century Fox vaut encore largement d’être visionné. Même s’il est en noir et blanc. Oui.
Car Coulez le Bismarck ! compose le plus réussi des films d’engagement naval. Doté d’un confortable budget de plus d’un million de dollars (ne rigolez pas, c’était beaucoup en 1960), le film nous offre de magnifiques séquences de combat grâce à la contribution de la Royal Navy qui mis à la disposition de la production le porte-avion HMS Centaur, les croiseurs HMS Vanguard et HMS Belfast, ainsi que les destroyers HMS Cavalier et HMS Hogue. Tous ces navires furent chargés de représenter à la fois la flotte britannique mais aussi les deux navires de la Kriegsmarine engagés dans l’opération. Les prises de vue réelles sont mêlées à des scènes utilisant des miniatures et des images d’archives. Le résultat est absolument génial et si les manœuvres des bâtiments sont bien moins élaborées qu’elles ne l’ont été en réalité, que certains plans ne peuvent tromper un œil avisé (par exemple, les canons anti-aériens du Bismarck filmés en gros plan sont en fait des pièces britanniques), l’ensemble reste en tout instant crédible et spectaculaire.
De plus, si le métrage diverge des faits réels de par quelques détails, dans l’ensemble, le script respecte bien le déroulement général des opérations ; la première intervention qui se solde par la destruction du HMS Hood et l’endommagement du HMS Pince of Wales ; la mobilisation de la force H, stationnée à Gilbraltar ; les détails de la poursuite et les séquences de reconnaissance aérienne ; l’épisode tragico-comique des torpilles à déclenchement magnétique (qui heureusement pour le HMS Sheffield, furent défectueuses), autant de passages qui collent de belle manière aux faits réels. Oubliez cependant les séquences filmées à l’état-major, toutes fictives, les deux personnages principaux, le capitaine Jonathan Shepard (Kenneth Moore) et le second officier Anne Davis (Dana Wynter) étant de pures créations romanesques.
Coulez le Bismarck ! (GB-USA / 1960)
Titre original : Sink The Bismarck !
Un film de Lewis Gilbert
Scénario d’Edmund H. North, d’après le livre de C.S Forester
Musique de Clifton Parker
Avec : Kenneth Moore, Dana Wynter, Laurence Naismith, Carl Möhner.
Disponible en DVD chez 20th Century Fox (28 mai 2003)