Alors que vient de paraître le tome 3 de Spynest, il me parait logique de parler de cette sympathique série d’aventure SF parue aux éditions Soleil, fruit du travail de Jean-Luc Sala et Christophe Alliel, et de revenir sur ses débuts, en 2011.
Juin 1940. Au sein d’une France occupée, les services d’espionnage Alliés consacrent une grande partie de leur énergie à contrarier les plans hégémoniques du IIIème Reich. Parmi les agents qui, évoluant dans un environnement hostile, risquent leur vie au quotidien, il se trouve un groupe qui se voit chargé d’une étrange mission, celle de percer le secret des wunderwaffen, les armes secrètes des nazis. Un groupe dont l’un des membres deviendra, des années plus tard, le géniteur d’un espion britannique de roman bien célèbre : Ian Fleming…
Avec Spynest, le scénariste Jean-Luc Sala (Les divisions de fer) nous invite dans une Europe uchronique, aux fragrances steampunk, pour y suivre les aventures d’un groupe d’espions au service des Alliés. Tous les ingrédients d’une bonne fiction d’aventure sont présents, et cela dés les premières planches ; l’humour, le charme sexy, les références cinématographiques et littéraires, les méchants aussi puissants que charismatiques, et un scénario à la structure légère qui cherche à entretenir en permanence une atmosphère fun et énergisante.
Puisant dans le mythe de l’Ordre Noir nazi, qui sert de creusée à bon nombre d’artistes et d’écrivains depuis des décennies, Jean-Luc Sala construit un univers où se côtoient personnages historiques et « super vilains » SS usant de technologie steampunk. Le monde de Spynest, cependant, s’appuie sur un environnement réaliste qui évolue sur une chronologie historique. L’apport SF et nazisploitation ne se fait que par petites touches, à la manière d’une aventure de James Bond, comme l’apparition d’une dominatrice SS qui rappellera forcément Elsa aux connaisseurs. Une démarche tout à fait logique, puisque ces aventures sont présentées comme une sorte de « journal » rapporté par Ian Fleming.
Le personnage principal, toutefois, n’est pas cette projection fantasmée de l’auteur britannique, mais une femme. Terryiona Crow, belle brune d’origine Navajo (cela a son importance), est une héroïne sexy et énergique qui évoque tant Lara Croft que Franky (Capitaine Sky et le monde de demain), Nävis (la série Sillage), et les personnages féminins de Sucker Punch. Bref, la matérialisation d’un véritable fantasme de geek. Dans Spynest, Terry est la fois le cerveau et les muscles du groupe (contrairement aux James Bond Girls), mais aussi une véritable tête brûlée qui met à mal le sexisme de ses contemporains. Elle est accompagnée de Ian Fleming, d’un agent soviétique un brin bourrin (sans blague ?) et d’un nabot gaffeur qui n’est là que pour déclencher les gags.
De son élégant coup de crayon, Christophe Alliel pousse l’esthétisme glamour de la bande dessinée à son paroxysme. Bien que placé régulièrement dans les situations les plus problématiques, Terry ne perd jamais de son charme et enchaîne les poses sexy… tout comme les personnages féminins secondaires. L’aspect pin-up, c’est certains, est joliment entretenu. Globalement, le style graphique de l’œuvre se positionne comme un mixage vraiment très réussi de Sillage, d’ASPIC, de Midi-Minuit et des dessins de Crisse. Une sacrée référence pour ce qui apprécie ces styles faussement naïfs. Christophe Alliel est également très à l’aise dans les scènes mouvementées. Ainsi, l’attaque de la base secrète est un agréable récréatif, bourré d’humour potache et d’action guerrière. A noter la superbe mise en couleur de Simon Champelovier.
Ma côte : 4/5
Spynest, tome 1 : Birdwatchers
Scénario de Jean-Luc Sala
Dessin de Christophe Alliel
Couleur de Simon Champelovier
Paru aux éditions Soleil (mai 2011)
48 pages