En ce 8 mai, jour commémoratif, j’ai visionné un DVD qui traite d’un sujet peu commun : la libération et l’indépendance de la Lettonie. Je ne l’ai même pas fait exprès. Mais, comme le dit si bien le dicton vulgaire, le hasard fait bien les choses. Ou l’occasion fait le larron. Au choix.
Bref, pour en revenir au sujet, La bataille de la Baltique est un film letton (si, si, ça existe !) réalisé par un certain Aigars Grauba et qui traite d’un conflit quelque peu oublié… du moins par tous ceux qui vivent au-delà des frontières des républiques baltes. En 1918, à la fin de la première guerre mondiale, ces contrées du bord de la mer Baltique attisent les appétits de leurs puissants voisins, les Bolcheviques mais aussi les Allemands, vaincus mais revanchards, et qui ont en Lettonie de nombreux ressortissants et sympathisants. Ces derniers trouvent dans les Russes blancs, qui espèrent se servirent des républiques baltes comme des têtes de pont pour la reconquête de la Russie, de solides alliés.
Fin 1917, les élites lettones se séparent de la tutelle bolchevique et déclarent l’indépendance de la Lettonie. Un gouvernement provisoire s’installe à Riga en juillet 1919 et demandent la protection des alliés. En réaction, un corps francs, composée des russes blancs de l’aventurier Bermondt-Avalov et de la division de fer du général von Goltz (environ 30,000 hommes en tout), envahit alors la Lettonie, écrase une petite armée lettone et se présente devant Riga. Le président letton Karlis Ulmanis, retranché dans la ville avec une petite armée mal équipée, refuse de capituler. La bataille de la Baltique, en concentrant son récit sur l’héroïsme d’un petit groupe de soldats, nous expose les circonstances qui ont amené la défaite de von Goltz et l’indépendance de la Lettonie, le 11 aout 1920. En omettant quelques détails…
Aigars Grauba dédie son film aux patriotes réfugiés dans Riga, qui, dans un grand mouvement de mobilisation populaire, ont réussi à arracher leur liberté. Pour rendre son histoire plus poignante, il consacre la première moitié de son film à nous familiariser avec les principaux personnages. Le président Ulmanis, Martin et ses amis du côté letton ; von Goltz et le cosaque Bermondt-Avalov dans le camp adverse. Inutile de préciser qu’il n’évite pas de faire dans le manichéisme patriotique, avec notamment un portrait très « désavantageux » du colonel Bermondt-Avalov, qui nous est présenté comme un véritable voyou. Une première partie plutôt intéressante, à l’aspect pédagogique certain, même si le réalisateur « oublie » quand même un peu que le gouvernement letton, sans argent ni armée, ne devait sa légitimité qu’aux alliés et à la complaisance bolchevique. Même constat d’absence pour les sympathisants allemands. Pourtant très nombreux – il y avait même un gouvernement pro-allemand jusqu’en juin 1919. On n’en voit pas la queue d’un dans La bataille de la Baltique.
La reconstitution de la bataille de pour Riga est de belle facture. Une réalisation sobre mais efficace, utilisant les images de synthèse avec économie, et qui nous plonge au cœur des combats. Le cinéaste met en relief l’innocence d’un peuple qui ne connait encore rien des méthodes de guerre moderne, avec des civils surpris par la puissance des bombardements de l’aviation allemande. Les lâchers de bombes sur Riga augurent de manière sinistre les désastres de la seconde guerre mondiale. La contre-attaque lettone, aussi inattendue qu’héroïque, est plutôt bien traitée et riche en enseignements. Pour plus de clarté dans les faits, Eigars Grauba concentre les exploits des patriotes dans les actes fictifs d’un quatuor d’amis découverts durant la première partie. Plus critiquable : afin de mieux donner d’importance à l’exploit (véridique) réalisé par les soldats lettons, le réalisateur omet de signaler que la défaite de l’armée de von Goltz doit autant aux bombardements intensifs de la flotte alliée, ancrée devant Riga, qu’à l’assaut des patriotes. En conséquence, l’armée russo-allemande, renversée par quelques salves de canons et la charge de quelques compagnies de fusiliers aux équipements hétéroclites (casques français, fusil anglais…), apparaît comme bien trop fragile pour que cela soit crédible.
Bref, si La bataille de la Baltique n’est pas exempt de défauts et d’omissions critiquables, le sujet traité est suffisamment rare pour que l’on s’y intéresse.
Ma côte : 3/5
La bataille de la baltique (Lettonie – 2007)
Titre original : Rigas sargi
Un film d’Aigars Grauba
Scénario de Lisa Eichhorn, Andrejs Ekis et Aigars Grauba
Avec : Janis Reinis, Elita Klavina, Girts Krumins, Romuald Ancans, Kestutis Jakstas
119 minutes
Disponible en DVD et Blu-Ray chez Condor Entertainment (juin 2014)