3,5 etoiles

soliman bd couv

Le récit de Soliman le Magnifique, bande dessinée de la série Ils ont fait l’Histoire (chez Glénat/Fayard), se penche à nous conter les dernières années de la vie de cet homme d’exception – de l’assassinat de son fils Mustafa en 1553 à sa mort en campagne durant l’année 1566. Initiative pertinente. Effectivement, l’on peut comprendre ce choix des scénaristes Clothilde Bruneau et Estéban Mathieu; impossible de retracer un demi-siècle de règne en un seul album.

Opter pour cette tranche de vie était toutefois un pari risqué. Oui, risqué, car avec cette histoire, ils ne nous présentent pas un jeune conquérant plein de vigueur, au fait de sa gloire. Ils ne se glissent pas dans des indiscrétions, que pourrait être le récit des élans passionnés du Sultan et de la belle Roxelane. Ils ne racontent pas les hauts faits d’armes du chef militaire qui a fait plier tous les souverains musulmans et chrétiens, qui l’ont hissé au même niveau que les plus grands conquérants de l’Histoire. Non, ils nous présentent un monarque en fin de règne, toujours aussi volontaire mais fatigué et inquiet. En effet, durant cette période, Soliman, qui doit en grande partie son trône à la fidélité des janissaires, qui s’est épuisé dans une campagne infructueuse contre le shah de Perse, s’inquiète de sa survie, et doit agir aussi pour la pérennité de sa dynastie. Ce qu’il fait. De manière radicale.

En 48 planches, avec l’aide de l’historien Julien Loiseau (qui nous propose un dossier de huit pages en fin d’album), les auteurs dressent le bilan du règne et nous exposent les dernières actions de ce Sultan à l’exceptionnelle longévité (pour l’époque) ; l’élimination de son fils ainé Mustafa (qu’il jugeait dangereux car aimé des janissaires), puis la mise à l’écart de l’un de ses autres fils, son surprenant attachement, même posthume (elle décède en 1558), pour Roxelane, l’ancienne esclave devenue son unique épouse, ses brillantes manœuvres politiques (l’alliance avec la France, le traité avec la Perse), ses entreprises pour marquer la postérité (Soliman était également un grand bâtisseur) et, enfin, une dernière campagne victorieuse qui l’amène en Hongrie où il va s’éteindre, à l’âge de 71 ans. Un décès qui, par quelques stratagèmes, sera caché quelques temps aux janissaires, et qui contribue à la légende, déjà bien fournie, du personnage.

Pourtant, force est de le dire, très dense, le récit peine à nous emporter. De plus, aussi Magnifique soit-il, Soliman se dévoile comme un personnage peu sympathique, ce qui contribue à éloigner d’autant plus l’amateur de belles histoires épiques. En fait, avec cet album, l’on a affaire à un traité historique de qualité, excellemment documenté, riche en enseignements sur un personnage peu étudié dans nos contrées occidentales. De quoi ravir les lecteurs qui cherchent dans cette série un support pédagogique mais une biographie peut-être un peu trop « aride » pour accrocher le simple curieux. L’aspect documentaire, qui est donc le point fort de l’œuvre, est de plus enrichi par les dessins du roumain Christi Pacurariu qui, sans fournir un travail exceptionnel, s’est penché à reconstituer de la manière la plus fidèle possible le luxueux cadre de la Sublime Porte, à la fois dans les décors et dans les costumes. Dommage que l’éclat de ces magnifiques palais, des toilettes et des paysages soit un peu affaibli par une mise en couleur trop terne.

soliman bd 01

Ma côte : 3,5/5

Soliman le magnifique 

Scénario de Clothilde Bruneau et Estéban Mathieu

Dessin de Cristi Pacurariu

Historien Julien Boisseau

Couleurs de Andrea Meloni / Mad5-Factory

Paru aux éditions Glénat / Fayard 

48 pages, plus un dossier de 8 pages en fin d’ouvrage

Janvier 2015