4 etoiles

vae victis 123

Il  y a quelques mois, l’annonce de l’arrêt de l’édition de Vae Victis par Histoire & Collection nous avait laissé craindre la fin de cette excellente revue spécialisée qui, depuis des années, faisait le bonheur de tous les acteurs du hobby, qu’ils soient wargamers ou figurinistes. C’était compter sans la persévérance de Nicolas Stratigos, l’historique successeur de Théophile Monnier à la tête de la revue, quand ce dernier eut décidé de voler vers d’autres cieux, plus vidéoludiques.

Vae Victis est donc reparti sous de nouvelles couleurs, celles des éditions Cérigo. Le numéro 122, paru en juillet, présentait quelques toutes petites nouveautés mais épousait toutefois largement le profil des numéros sortis chez Histoire & Collection. Dans  son édito, Nicolas Stratigos nous promettait une évolution au fil des mois. Il ne nous a pas menti, Vae Victis n°123, par quelques touches de nouveautés, s’ouvre à un nouveau lectorat, plus généraliste, tout en réussissant, je pense, à satisfaire les vieux grognards de la figurine et de l’hexagone. Jetons donc un œil à ce Vae Victis new generation, histoire de voir ce qu’il se cache derrière une élégante présentation qui est malheureusement un peu gâchée, à mon gout, par le choix d’un papier un peu cheap.

Si Nicolas Stratigos tient solidement la barre (il est a la fois rédac’ chef, directeur de publication et président de Cérigo), il peut s’appuyer sur une belle équipe de pigistes, aux sensibilités diverses, qui font que Vae Victis, à travers ses 84 pages, aborde les nombreux secteurs du hobby. Le jeu en encart est toujours présent pour ceux qui auraient choisi cette version du magazine. Pour les autres, la rédaction a eut la bonne idée de présenté brièvement le jeu en encart dans les pages du magazine, des fois que certains décident de le commander à part. Il s’agit ici du scénario « L’or et l’acier », qui se situe durant la guerre du Bien Public en 1645, un jeu stratégique de Philippe Hardy de complexité moyenne, pouvant éventuellement être jouée en solo. Autre initiative intéressante : celle de nous présenter le programme des prochains jeux. On se rend compte alors que de la bataille de Dixmude en 1914 à Cortès au Mexique 1521-1521, il y a aura pour tous les gouts.

Petit panorama sur un sommaire très éclectique et bien intéressant. Fidèle à son habitude, Vae Victis établit des passerelles entre ses articles historiques et les analyses de jeux. Ainsi, dans ce numéro, le chapitre Art de la guerre est consacré à L’invasion de la Serbie en aout 1914, qui accompagne l’analyse de Serbien Muss Sterbien (un jeu GMT) par Luc Olivier. L’article de 8 pages, concocté par Philippe Nau, évite toute analyse pour offrir au lectorat non initié un déroulement précis des événements. Didactique et efficace. L’autre article historique, La guerre du Bien Public, épouse le même principe. Amable du Corail, de manière très scolaire et accessible, nous détaille les événements qui ont marqué ce conflit peu connu du grand public, qui a vu des princes français, dirigés par le duc de Bourbon et le Charles de France, se liguer contre Louis XI, déjà à la lutte contre Charles le Téméraire.  Cette guerre, dont Louis XI, malgré de grandes déconvenues, sortira gagnant, pourrait être considéré comme le franchissement d’une étape importante menant à la monarchie absolue. Cet article accompagne le jeu en encart de Philippe Hardy.

Dans la section Que choisir, deux articles qui vont intéresser tout particulièrement les néophytes et les casual gamers.  Mais pas que. Pourquoi ? Parce que, franchement, le passionnant descriptif de Command & Colors par François-Xavier Euzet m’a vraiment donné envie de me pencher sur cette gamme qui peut être présentée comme une « évolution » de Memoir’44. Pour y jouer régulièrement avec des amis, joueurs occasionnels, je connais bien Memoir’ 44 et sa variation fantastique (Battlelore). Je trouve leur système de jeu (qui mêle activation par deck de cartes et combats au dés spéciaux), créé par Richard Borg au début des années 2000, vraiment bien adapté à la clientèle visée (le grand public et le fan de fantasy non initié au wargame) mais un peu trop léger, à mon gout.  A en lire François-Xavier Euzet, Commands & Colors va plus loin dans la simulation, avec un plus grand nombre de caractéristiques pour les unités, et de nombreuses règles spéciales qui permettent une meilleure approche historique des engagements. Bon, il nous rappelle que c’est en langue anglaise, donc réservés à ceux qui maitrise la langue de Shakespeare, mais nous rassure un peu en précisant que de nombreuses traductions de decks existent sur le web. Enfin, pour nous inciter encore plus à nous intéresser à Commands & Colors, Vae Victis nous offre trois scénarios pour Commands & Colors Ancients pour la période bas-empire romain (Marcianopolis, Bataille des Saules et Andrinople)

Intitulé 39-45 La guerre en Europe, les jeux stratégiques simples, l’article d’Hervé Borg annonce la couleur. En dix pages, riches en photos de plateaux de jeu, il compare quatre produits. Il s’agit du vétéran Krieg ! (DG) , d’Europe Engulfed (GMT), de The Supreme Commander (GMT) et d’Unconditionnal Surrender ! (GMT). Vous l’avez compris, que des jeux en anglais (et l’on n’est pas étonné quand l’on connait la pauvreté de l’édition dans notre hexagone). Le comparatif, très poussé, est effectué sur de nombreux critères (facteur fun ; influence du facteur chance ; qualité du matériel ; niveaux de simulation diplomatique, militaire et économique ; nombre de scénarios ; clarté des règles ; etc) qui sont regroupés dans un tableau récapitulatif. Un article très pertinent pour celui qui voudrait faire ses premières armes dans l’univers des  wargames à l’échelle stratégiques.

Enfin, pour en finir avec les wargames à pions, Vae Victis n°123 propose des scénarios pour Memoir’44 (Le combat d’Ellon, le 9 juin 1944) et Le Temps des as, le jeu en encart paru avec le n°117 (Frère de Lens), ainsi qu’une petite campagne pour Heroes of Normandie, le superbe jeu grand public à l’ambiance hollywoodienne de Yann et Clem édité chez Devil Pig, qui comme le dit monsieur Phal, peut être présenté comme « un jeu à figurines sans figurine ».  Justement, puisque l’on en vient aux figurines…

De Wavre à Paris est une série de scénarios génériques (c’est-à-dire qu’ils peuvent adaptés à diverses règles) sur des engagements entre français et prussiens durant les Cent Jours. Ces scénarios écrits par Franck Piat exposent le déroulement des événements, les objectifs de chaque camp et des ordres de bataille détaillés (plus quelques variations hypothétiques). A Wavre, le 18 juin, pendant que Napoléon livre la bataille de Waterloo, Grouchy se heurte à des éléments prussiens… et il va en baver. C’est le scénario le plus important, en quantité de forces engagées. Les trois autres scénarios se déroulent le 20 juin, durant la retraite française, à La Falize, Flawinne et Namur. Des scénarios qui se prêtent particulièrement à la règle Black Powder, que nous pratiquons dans mon club. Nul doute que nous allons en profiter.

Guerre éclair ! est un jeu d’Histoire à figurines introduit dans les numéros 120 & 121 qui se situe dans la même gamme que FoW ou Blitzkrieg. La rédaction propose ici un système de calcul de budget, des exemples d’organisation types et un scénario, No Pasaran ! qui, comme on peut s’en douter, se déroule durant la guerre civile espagnole, en 1937.

Le dernier gros article du numéro est consacré à Art de la Guerre, la règle d’Hervé Caille. Il y définit le positionnement actuel de la règle, sur les tables francophones où, malgré un net tassement en 2015 (Jean Levrero porte une analyse à ce constat et nous livre ses conclusions), reste le leader dans ce type de jeu tactique destiné à la compétition, mais aussi à l’étranger, avec des projections sur les marchés espagnol, britannique et américain. Des contrées où il rencontre des succès et des difficultés divers et variés. Un article intéressant, qui témoigne aussi de la réelle dynamique de notre hobby dans l’Hexagone, un aspect parfois difficile à appréhender en raison d’une absence d’élan fédérateur et de l’esprit autarcique qui anime nombre de clubs.

Vae Victis complète son sommaire avec des rubriques nouveautés (brefs descriptifs de jeux, livres et figurines). A noter la maigreur de la galerie de figurines (un petite page de figs 28mm), surement dues à des limites éditoriales (84 pages, c’est peu).

Bref, Vae Victis est bel et bien vivant et, on l’espère, pour encore longtemps!

Ma note: 4/5

Vae Victis, numéro 123
Septembre-octobre 2015
Bimestriel – 84 pages
Paru aux éditions Cérigo
Prix : 6.95€ / 14,95€ avec jeu en encart