Il y aura fallu attendre pratiquement deux ans pour connaitre la destinée des héros des Echappés, une bande dessinée de Philippe Zytka et Laurent Seigneuret parue aux éditions Soleil. Les échappés, c’est un diptyque au scénario original puisqu’il rajoute à une histoire assez souvent racontée – celle de soldats se retrouvant, pour une raison ou une autre, derrière le front ennemi et cherchant à regagner leurs lignes – un élément peu commun, celui des pilotes de planeurs. En effet, on ne sait que peu de choses sur ce corps assez particulier, qui exige des compétences multiples puisque aux missions de pilotage se greffent parfois des obligations de fantassin.
Le récit est développé sur les évènements qui ont marqué l’opération Tonga. Le 6 juin 1944, une flotte de planeurs Horsa, tractés par des bombardiers Halifax, doit livrer renforts et matériel à la 6ème division aéroportée britannique engagée dans les combats de Normandie, près de Caen. Les pilotes Rod Taylor et Steve Moss font partie de l’opération, leur planeur transportant des jeeps. Mais ils n’exécuteront jamais leur mission. Leur appareil est abattu par la DCA allemande et ils se retrouvent isolés à plus de vingt kilomètres de leurs lignes. Commence alors un mortel jeu de chat et de la souris avec les Allemands, qui pullulent dans la région, au cours duquel les héros vont effectuer de nombreuses rencontres…
Bien que le théâtre de Normandie, pour avoir été le sujet de bon nombre de films et d’ouvrages littéraires, soit bien connu du grand public, le scénariste Philippe Zytka parvient à nous accrocher avec un récit riche en péripétie et nous offrant un très intéressant point de vue sur les événements de juin 1944. Loin de faire de ses personnages des héros hollywoodiens, il préfère dresser des portraits crédibles, Rod Taylor et ses compagnons sont loin d’être infaillibles et ils commettent leur lot d’erreurs… qui sont parfois fatales. Grace à un script excellemment structuré et découpé, l’histoire est d’une belle fluidité et se suit avec plaisir. Ainsi, l’introduction de la résistance, tout comme la rencontre avec d’autres échappés, se fait de façon naturelle, ce qui contribue à rendre le récit immersif.
Un bel effort a également été effectué sur l’aspect « reconstitutionnel ». Et en cela, on ne peut négliger la contribution de Laurent Seigneuret. En effet, le style graphique adopté par le dessinateur colle bien au sujet, d’autant plus que, grâce à une assez bonne précision de trait, il nous un sympathique échantillon de matériel militaire, avec la représentation de divers appareils et véhicules de la période. On se retrouve au final avec un récit historique accrocheur, qui à l’élément aventureux et guerrier rajoute un non négligeable aspect pédagogique. Enfin, à noter l’efficace mise en couleur d’Aurore Folney, qui reconstitue de belle manière l’atmosphère du bocage normand.
Dans le tome 2, le récit se concentre plus sur le personnage de Rod Taylor et sur les réseaux de résistance français. Le héros va participer au côté des FFI à la lutte contre les Allemands et la milice vichyste (des ordures aux profils un peu caricaturaux). On s’éloigne largement du sujet premier, et cela est assez dommage, même si le scénario reste intéressant et doté de moments forts (et relativement violents). J’ai aussi l’impression que le trait de Laurent Seigneuret s’est un peu relâché, le dessin est moins précis, un peu moins réaliste, sans que cela ne devienne désagréable à l’œil. Bref, ce second opus ne colle pas vraiment à mes attentes.
Finalement, j’aurais presque préféré que l’histoire se concentre en un seul tome.
Ma note : 3.5/5
Les échappés – Opération Tonga (Soleil – 2013/2015)
Scénario de Philippe Zytka
Dessin de Laurent Seigneuret
Couleur d’Aurore Folny
Parue aux éditions Soleil
Tome 1 (Septembre 2013) 48 pages, plus un dossier de 8 pages en fin d’album sur l’histoire des planeurs durant la guerre.
Tome 2 (septembre 2015) 48 pages, plus un dossier de 8 pages en fin d’album sur l’histoire des planeurs durant le D-Day