Hiver 1709. Le royaume de France, en guerre contre les pays de la Grande Alliance (Grande-Bretagne, Province-Unies, Autriche et Prusse), est soumis à une terrible vague de froid. La famine et la misère frappent le peuple, paralysant l’économie. Versailles croie trouver une solution au problème du ravitaillement de ses troupes dans une transaction avec un capitaine pirate, qui leur propose, contre monnaie sonnante et trébuchante, une forte cargaison de grains. Mais la route est longue entre la cour du roi de France et les cotes de Basse-Bretagne, zone de mouillage du navire providentiel. Et nombre de personnes ont tout intérêt à voir le marché échouer…
La guerre de Succession d’Espagne est trop rarement traitée en bande dessinée pour que l’on boude toute parution traitant du sujet. Donc, ce n’est pas sans un certain plaisir que je me suis lancé dans la lecture de ce premier tome d’Hyver 1709. La guerre de Succession d’Espagne est le dernier grand conflit s’étant déroulé sous le règne de Louis XIV. Elle marque les débuts d’une série de conflits dynastiques qui secouera l’Europe des Lumières. Les origines de cette longue guerre de quatorze années se trouvent dans décès sans descendance de Charles II de Habsbourg, roi d’Espagne, le 1er novembre 1700. Ce dernier, par son dernier testament, lègue le trône d’Espagne à Philippe d’Anjou, le petit fils de Louis XIV, qui monte sur le trône le 15 novembre 1700, sous le titre de Philippe V. Mais les Autrichiens ne l’entendent pas ainsi. Ils mettent en avant la plus proche parenté de Charles de Habsbourg, le fils de l’empereur Léopold 1er. Rapidement, ils entraînent dans leur sillage belliqueux la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies, qui voient d’un mauvais œil l’unification de la France et de l’Espagne, deux puissances majeures, ainsi que la jeune Prusse, qui voit là une occasion de grignoter quelques territoires. La guerre est longue, incertaine mais aussi terriblement dévastatrice pour le royaume de France. Soumise aux habiles manœuvres de brillants généraux ennemis – le prince Eugène et le duc de Malborough – la France est plusieurs fois menacée d’écroulement. Heureusement, une série de miracles, tout comme l’habileté tactique du maréchal de Villars, permettent d’éviter le pire. En 1714, les nations sont exsangues. Tous veulent la paix. Le 6 mars 1714, un traité de compromis est signé à Ultrecht, qui attribue définitivement le trône d’Espagne aux Bourbons. Qui y règnent toujours aujourd’hui.
Le scénario de Nathalie Sergeef et Xavier Philippe met en avant un élément majeur qui influa grandement sur le déroulement de la guerre : les corsaires français. En effet, si la Royale ne pouvait prétendre rivaliser, en termes de puissance, avec l’union des flottes britanniques et hollandaises, elle fut grandement assistée par les navires corsaires qui s’attaquaient avec une belle efficacité aux lignes commerciale de l’ennemi. Ainsi, bien que débarqué dans ce récit mêlant aventures et espionnage, le héros est un corsaire, Loys Rohan, qui sert d’intermédiaire entre Versailles et un capitaine pirate. Une mission qui va l’entrainer dans une longue chevauchée à travers les campagnes françaises. Au fil d’une intrigue peu surprenante mais plutôt bien ficelée, les scénaristes nous invitent à explorer une terre glacée et désolée où le peuple, affamé, en arrive parfois aux dernières extrémités. Immergé dans cet univers sauvage, qui évoque plus les lointaines contrées de Nouvelle-France que la campagne française, le héros va se trouver quelques alliés (donc un ne manquant pas de charme), autant d’appuis nécessaires pour survivre dans ce milieu hostile mais, surtout, pour contrecarrer les plans d’agents étrangers et de groupes camisards.
Graphiquement, on est dans la perfection. Les dessins de Xavier Philippe sont magnifiques. Immersifs. Les paysages glacés sont d’un réalisme saisissant. On se surprend presque à claquer des dents ou avoir envie d’un chocolat chaud. Les personnages sont impressionnants de naturel, les mouvements gracieux, la dynamique parfaite. Le choix des cadres, optant pour la cinégénie, compensent largement une histoire finalement peu surprenante. A cela, il ne faut pas manquer de signaler la précision des dessins dans son aspect historique et uniformologique, pour le plus grand plaisir de l’amateur de la période. Bref, un travail exemplaire. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour le second tome nous offre un récit un peu plus haletant, ce qui ne manquerait pas d’hisser Hyver 1709 au statut de chef d’œuvre.
Ma cote : 4/5
Hyver 1709, livre 1
Scénario : Nathalie Sergeef et Philippe Xavier
Dessin : Philippe Xavier
Couleurs : Jean-Jacques Chagnaud
Paru aux éditions Glénat (octobre 2015)
50 pages – 13.90€