Dans cette intégrale en version noir et blanc, le scénariste Appollo et le dessinateur Brunö nous entraînent dans l’ex-Empire français des années 40 pour nous conter les aventures du major Antoine Robillard du BCRA et de son ordonnance, le premier maître Maurice Rivière. Cette intégrale rassemble trois récits de guerre au cours desquelles Apollo développe deux thèmes majeurs : l’attachement des français né dans l’ex-Empire pour leurs colonies et le monstrueux imbroglio créé en ces lieux par la seconde guerre mondiale, d’autant plus que toutes les histoires se déroulent avant 1942. Robillard le gentleman et Rivière le « chaud-bouillant », au fil de leurs missions, vont devoir composer avec les agissements d’une multitude personnages, qu’ils soient des fidèles au régime de Vichy, des Gaullistes, des vulgaires collabos cupides, des indépendantistes malgaches, des déserteurs utopiques, des sous-mariniers allemands.
Cette intégrale rassemble trois histoires. La première, Opération Ironclad, nous invite sur la possession française de Madagascar. Les deux représentants de la BCRA doivent y rencontrer un sympathisant gaulliste qui doit les mettre en contact avec un réseau de résistance. Mais la police de Vichy veille, ainsi que les Indépendantistes, qui doivent choisir – provisoirement – entre rejoindre le mouvement de résistance ou les représentants du régime en place. Un scénario assez classique, mais bien ficelé, qui expose de belle manière la situation compliquée de l’île – et bien d’autres colonies françaises – durant la seconde guerre mondiale.
Dans Le loup gris de la désolation, alors qu’ils sont en toute pour amener d’importants documents à Durban, Robillard et Maurice se retrouve naufragés sur la petite île d’Europa, au cœur de l’océan indien. Ils sont recueillis par Joao dos Santos, un portugais pour le moins excentrique. Mais est-ce que sa bonhommie ne cache pas quelque chose de moins sympathique? C’est ce va chercher à découvrir le major Robillard. Des investigations qui vont amener les deux héros à bord d’un sous-marin allemand. Pour moi, la meilleure histoire, qui débute dans un humour très efficace pour augmenter en dramatique au fil des pages. Appollo y démontre une belle maitrise de l’écriture.
Un petit tour dans le désert saharien avec Fort Thélème, la dernière histoire composant cette intégrale. Accueillis dans un éden perdu au fond du désert (petit clin d’œil à Henry Rider Haggard?), Robillard et Rivière vont rencontrer le capitaine Jean-Baptiste Ferrand, un déserteur qui s’est entouré d’une petite cour composée d’une troupe de danseuses et de Max, leur imprésario marseillais accroc au pastis. Quand la guerre les rejoint. Pour Ferrand, il est temps de choisir un camp. Cette petite histoire aux fragrances sahariennes est très agréable à suivre, de par l’efficacité de l’humour mais aussi par les personnages, très attachant et par la séquence finale, spectaculaire.
La réussite de Commando Colonial repose aussi – et pas qu’un peu – sur la ligne claire de Brunö. Je ne suis pas particulièrement fan de ce style de trait (je préfère le semi-réalisme) mais force est d’admettre que c’est une méthode infaillible pour rendre un récit fluide et agréable. De plus, dans son domaine, Brunö est un as. Il suffit de deux coups de crayons pour que ses personnages s’illuminent d’expressions diverses et passent en deux cases de l’amusement à la perplexité, la colère ou la tristesse. Dans les plans plus larges, la ligne claire démontre son efficacité avec des dessins d’une grande lisibilité, qui rendent la lecture très agréable.
Ma note : 4/5
Commando Colonial, l’intégrale noir et blanc
Scénario : Appollo
Dessin : Brunö
Paru aux éditions Dargaud, collection Poisson Pilote (novembre 2015)
146 pages.