« Nos ancêtres les Gaulois », disaient les anciens manuels scolaires. Faux. La France n’a finalement hérité de la Gaule antique que ses paysages, fruits des mises en exploitation de ses terres. Vercingétorix, et ses partisans, représentaient la résistance face à une force menaçant l’identité gauloise. Encore faux. Quand Jules César a conquis la Gaule, sa population était déjà fortement romanisée, culturellement mais aussi administrativement. L’origine des Français, il faut en fait la chercher du côté des romains, ou, pour être plus précis, des Gallo-romains. Les Francs formaient une entité ethnique homogène, arrivées en Gaule en masse, lors des Invasions Barbares. Un raccourci aussi facile qu’erroné. L’origine du peuple Franc est plus complexe, c’est le fruit d’une fusion de populations franques antiques minoritaires, de gallo-romains et d’anciens légionnaires romains devenus colons. Les Francs de l’époque de Clovis étaient des barbares chevelus armés de francisque, des illettrés et des brutes épaisses. Inexact, l’on a retrouvé que des épées dans les tombes franques et le Franc était un redoutable procédurier, préférant les joutes juridiques aux duels sanglants. Les Carolingiens incarnaient un nouveau courant de civilisation, faisant oublier les Ages Sombres et ses vulgaires souverains mérovingiens. Encore une légende ! Charlemagne ne savait même pas écrire, contrairement aux rois mérovingiens qui, de plus, aimaient à s’entourer de lettrés. Quant à la fameuse réputation d’invincibilité des envahisseurs Vikings, ils s’avèrent qu’ils n’ont pratiquement jamais remporté un combat en ligne de bataille. Très inférieurs, en nombre et en équipements, aux Francs, ils privilégiaient les coups de main rapides, profitant du monde de mobilité des lourdes cavaleries franques.
Toutes ces légendes, ces idées reçues, ces clichés, l’historien Bruno Dumézil, spécialiste de l’histoire du haut moyen-âge occidental, s’attache à les dévoiler dans un passionnant ouvrage de 200 pages : Des Gaulois aux Carolingiens (aux éditions puf). Avec ce livre, l’auteur ne nous propose pas, bien entendu, de retracer dans les moindres détails plus de mille ans d’Histoire, mais de l’accompagner dans un voyage à travers les siècles, de la civilisation de l’Hallstatt à la mort de Charles le Gros, le dernier roi carolingien, durant lequel il nous offre un nouveau regard sur les peuples et les hommes qui ont amené, lentement, la naissance de la France moderne. Un voyage étonnant, qui nous entraine dans une réflexion mettant l’accent sur les responsabilités qui pèsent sur les épaules des gardiens de la mémoire.
Des Gaulois aux Carolingiens, c’est un texte limpide et saisissant, parfois un peu provocateur, où on y découvre une histoire de France nettement plus nuancée et complexe, dépolluée des nuisances causées par les orientations politiques ou philosophiques des chroniqueurs contemporains ou le manque d’objectivité d’un système éducatif perverti par l’idéologie, comme celui de la IIIème République, avec ses fameux hussards noirs. Bruno Dumézil, en vrai chercheur du XXIe siècle, se moque des conventions. Lui importe la vérité, ou du moins, il tente de s’en approcher. Il se penche à faire tomber les barrières de notre éducation, use à bon escient des dernières découvertes, et n’hésite pas à chahuter des grandes figures de l’Histoire, comme Vercingétorix, Charles Martel, Charlemagne ou Charles le Chauve, pour les remettre à leur juste place dans l’Histoire, quitte à les faire vaciller sur leurs piédestaux.
Des Gaulois aux Carolingiens (Fra – 2014)
Un livre de Bruno Dumézil
Collection Une histoire personnelle de la France
Paru aux éditions Presse Universitaire de France (mars 2014)
229 pages
J’ai acheté ce livre après avoir lu ta critique. Je dois avouer que j’ai cru que j’allais le regretter tant j’ai été déçu par le premier chapitre sur les Gaulois et Rome où je n’ai quasi rien appris et que j’ai trouvé un peu trop plein de généralités. Par contre la suite m’a passionné. Les « invasions » francques, les Mérovingiens enfin sortis de leurs clichés. Ca donne envie d’en apprendre plus et d’en lire plus sur ces siecles oubliés de notre histoire. Si la fin Carolingienne est un peu moins percutante, la transition du monde ancien au monde féodal est décrite de main de maitre. Lecteurs passez les 50 premières pages vous ne le regretterez pas!