PASQUALE LE PRETENDANT
Pasquale Filip’Anto Paoli est né le 6 avril 1725 à Morosaglia, dans la région du Rostinu, au centre de la Corse. Il est issu d’une famille qui n’appartient pas à l’élite mais son père, Ghjacintu Paoli, humble fils de meunier, a joué un grand rôle dans la lutte contre Gènes et dans la création du Royaume de Corse (1), pour finalement, au grand dam de certaines grandes familles insulaires (comme les Matra, qui assimileront plus les Paoli à une « famille sortie de rien») se hisser à la tête du mouvement. Cependant, en 1740, quand la première rébellion des Nationaux contre la République de Gènes est étouffée par les troupes françaises de Maillebois (2), Ghjacintu Paoli et Luiggi Giafferi, généraux de la Nation, sont contraints de s’exiler pour le Royaume de Naples. Hyacinthe Paoli, qui ne retournera jamais en Corse, emmène avec lui ses fils cadets, Pasquale et Clemente (ce dernier, après un court séjour à Naples, rentrera au pays pour s’occuper des affaires de la famille).
A Naples, l’adolescent n’est pas dépaysé, puisqu’il se retrouve entouré de personnalités familières que l’Histoire désignera sous le nom d «exilés du Rostinu ». Il grandira dans ce réseau fortement hostile à la République de Gènes, entouré de grandes personnalités de l’époque (les Giafferi sont depuis cinq générations des colonels de la République de Venise). D’ailleurs, en 1741, il entre comme cadet au régiment Corsica, dont les colonels ne sont autres que… son père et Luiggi Giafferi. En 1749, quand le régiment Corsica est réformé, Pasquale Paoli se retrouve engagé dans le régiment Real Farnese, toujours au service du Royaume de Naples. En garnison en Sicile, à Syracuse, il végète, bloqué au grade de sous-lieutenant. En effet, à cette époque où l’argent et le sang étaient synonymes d’ascension sociale, le jeune homme paie le fait qu’il n’est ni noble, ni fortuné. Alors, il lit, beaucoup. Il écrit, aussi. En 1754, alors qu’il s’est rapproché de son île (il est alors en garnison sur l’île d’Elbe), il envoie un projet de gouvernement aux principales personnalités insulaires, qui ne manque pas d’éveiller quelque intérêt.

LA GUERRE MATRISTE (1755-1756)
Le 16 avril 1755, contre l’avis de son père qui craint pour sa sécurité – le dernier Général de la Nation, Ghjuvan Petru Gaffory a été assassiné en 1753 (3) – Pasquale Paoli débarque à Porraggia, près de l’embouchure du Golo, pour défendre sa cause. Il parvient à convoquer une consulte, qui se réunit à Caccia le 20 avril 1755, mais elle ne rassemble qu’une petite partie des pieve (les ancêtres génois des cantons). En effet, Paoli ne fait pas l’unanimité. De nombreuses grandes familles ne reconnaissent pas la légitimité de ce jeune homme idéaliste, comme les Matra, qui voudraient imposer comme généralissime Mariu Emmanuele Matra, le beau-frère de Gaffory. Ainsi, si la Consulta de Sant’Antone di a Casabianca peut ne pas être considérée comme un total plébiscite, Pasquale Paoli y est tout de même élu Généralissime de la Nation le 14 juillet 1755. La tache qui l’attend, au regard de l’adversité, apparaît comme insurmontable. Mais l’idéaliste jeune homme, imprégné des nouvelles idées de son temps, relève le défi.
Il se met de suite au travail, organise le Royaume de Corse en s’appuyant sur une constitution (votée en novembre 1755 à la Consulta di Corti) très représentative de l’esprit des Lumières (avec notamment ; droit de vote pour les femmes, séparation des pouvoirs, souveraineté du peuple), monte une armée composée de professionnels soldés (deux régiments de 300 hommes) et de miliciens (une force soldée par les pieve, avec une planification qui est confiée à Clemente Paoli), lance la construction d’une université et d’un Hôtel des monnaies. Enfin, il remet de l’ordre au sein de ses partisans, en faisant preuve d’une grande fermeté, même envers ses proches parents. La riposte des opposants ne tarde pas à venir, avec une lettre de Mariu Emmanuele Matra qui fera office de casus belli. Le 10 août, quand Pasquale Paoli, fou de rage, déchire le courrier qui lui annonce que son rival a été nommé Général par un parti d’opposition, la guerre Matriste est déclarée. « Deux cuisiniers gâchent la cuisine », répond-t-il à ses proches qui, inquiets, lui propose un compromis.
Le 11 août, avec seulement 200 miliciens, Paoli marche sur l’Alesani, fief des « rebelles ». Pour avoir sous-estimé la force des Matristes, il est sévèrement rossé et doit se replier sur Campoloro. Pendant dix-huit mois, les partisans des deux camps vont s’affronter dans des escarmouches et des petits engagements. Mais Mariu Emmanuel, s’il bénéficie de la protection de l’imprenable (du moins pour une force privée d’artillerie) fort d’Aleria, se retrouve petit à petit isolé, la plupart des chefs de l’insurrection de 1729 prenant partie pour Paoli. Surtout, il commet l’énorme erreur de demander l’assistance de Gènes, ce qui choque bon nombre de ses partisans.
Le 28 mars 1757, Mariu Emmanuele et un fort parti surprennent Pasquale Paoli et son escorte près du couvent du Boziu. Les Nationaux sont rapidement débordés et ils doivent se barricader dans le couvent. Mais sous les assauts adverses, la porte finit par céder. Le Généralissime est sur le point d’être capturé quand l’arrivée inespérée de renforts commandés par son frère tombe sur l’arrière des Matristes, qui partent en déroute. Lors de la fuite, Mariu Emmanuele Matra est tué. Pasquale Paoli est désormais maître du nord de l’île.
Reste à convaincre le Pomonti (l’au-delà des Monts, l’actuelle Corse du Sud) de rallier la cause nationale, dont les représentants au Conseil sont Orazziu Ferri-Pisani et Sebastianu Poli. Il trouve une oreille attentive en la personne de l’ajaccien Anto Colonna, leader du parti pro-français. Même si ce dernier n’est d’accord avec Paoli que sur le fait qu’il est nécessaire de chasser les Génois, le Généralissime choisit la patience et use de son habileté politique pour duper Colonna. En 1759, quand les Français quittent l’île, Colonna se retrouve isolé et est éliminé de la scène politique, entraînant avec lui le parti pro-français. S’il n’a pas réussi à convaincre totalement le Sud d’entrer dans la Nation (et il n’y arrivera jamais), il s’est au moins débarrassé d’un concurrent gênant.
En 1760, le Cap Corse rejoint le Royaume de Corse. Paoli fait construire un arsenal à Centuri et armer une flotte en course pour lutter efficacement contre les Génois, notamment en harcelant les lignes commerciales de la Sérénissime.

LA VICTOIRE DE FURIANI
Le 5 juin 1763, la République de Gènes tente un ultime effort pour mettre un terme au turbulent Royaume de Corse, qui la ridiculise aux yeux de l’Europe. Sortie de Bastia – l’une des présides restée fidèle à la République – une armée d’environ 1000 hommes et de nombreuses pièces d’artillerie, commandé par Francescu Matra (le frère de Mario Emmanuel) met le siège devant Furiani. Suite aux consignes de Paoli, le village a été transformé en place forte par le colonel Baldassari (4). Travaillant nuit et jour, les 150 soldats de Baldassari ont levé un système défensif fait de tranchées et de murs. Si militaires et civils souffrent du pilonnage de l’artillerie génoise, ils ne subissent pas les affres de la faim, le village étant ravitaillé par la montagne (Baldassari reçoit même la visite surprise de Paoli). Le 18 juillet, croyant la résistance des assiégés prête à se briser, Matra ordonne l’assaut. L’échec est cuisant ; les Génois perdent 225 morts et blessés et doivent se replier sur Bastia. Du coté des Nationaux, les pertes s’élèvent à trois morts et quelques blessés légers. Humiliée, la République se retourne une nouvelle fois vers la France, ce qui ne manque pas d’inquiéter Pascal Paoli, sa première rencontre avec un émissaire du roi Louis XV ne s’étant pas très bien passée (5)
En 1764, avec la signature du deuxième traité de Compiègne établi par la France et Gènes, le Roi-Très-Chrétien s’engage à protéger durant quatre ans les cités d’Ajaccio, Bastia, Algajola, Calvi et Saint-Florent en y établissant des garnisons. Cela réveille évidemment le parti pro-français et quand le comte de Marbeuf débarque à Bastia en décembre 1764, le Généralissime l’accueille très froidement. Pour affirmer son autorité, Paoli doit procéder à de nombreuses arrestations mais, animé dans la clandestinité par un agent de Louis XV (Dumouriez) débarqué discrètement dans l’île, le mouvement pro-français persiste et se renforce.
LA PRISE DE CAPRAIA
Le 16 février 1767, un corps expéditionnaire corse s’embarque à Macinaggio, un port du cap Corse, pour l’île génoise de Capraia, place qui régule les routes commerciales de la mer Tyrrhénienne. Bien accueilli par la population, le capitaine Achille Murati, le lieutenant Ghjuvan Battista Ristori et 200 miliciens mettent le siège au pied du fort. Le siège va durer trois mois au cours desquels les Nationaux vont rejeter à la mer le corps expéditionnaire Génois (embarqué sur 16 navires!) qui tente un débarquement le 6 mai. La garnison capitule le 26 mai et peut quitter l’île avec les honneurs de la guerre. Pour les Nationaux, la prise est importante ; 13 canons et 1300 boulets. Mais si cette victoire est belle, c’est aussi peut-être une erreur politique. En tenant Capraia, Achille Murati met en péril le commerce Génois et, cela, la République ne peut l’accepter. Le 4 juillet 1767, Choiseul, ministre de Louis XV, reçoit, à son grand étonnement, un courrier de Gènes lui proposant la cession de la Corse à la France à une seule condition: la totale soffocazione, per cosi dire, del popolo di Corsica ! Evidemment, une fois les Nationaux éliminés, la République pourra reprendre son île de Capraia. Surpris, et aussi très méfiants, le Roi-Très-Chrétien et son ministre décident d’éprouver la patience des Génois… et les pousser à supplier. Le traité de Versailles est donc signé presque un an plus tard, le 15 mai 1768. Au Palazzu de Corte, siège du gouvernement de la Nation, on est scandalisé. Paoli écrira plus tard « nous avons été vendus comme un troupeau de chèvres ».

LA CAMPAGNE FRANCAISE DE 1768
Le 22 mai 1768, Pascal Paoli appelle à la levée en masse pour sauver la Nation. Les volontaires ne manquent pas, mais le stock de munitions est faible et le parc d’artillerie rabougri. Le seul moyen d’approvisionnement se trouve dans le port de l’Isula (L’Ile Rousse) construit en 1765 sous les consignes de Paoli pour lutter contre Calvi la génoise. Toutes les autres grandes places du littoral de l’île sont sous domination franco-génoise. Quand aux réactions des autres nations européennes, seul le Piémont émet de timides protestations. Les Britanniques, eux, ne bronchent pas. Paoli est déçu.
Le 29 juillet 1768, Marbeuf et Grandmaison entament la campagne du Cap Corse afin d’isoler Macinaggio et de neutraliser les Corsaires ancrés à Centuri. La première ligne de défense, commandé par Ghjuseppu Barbaggi, est menacé d’encerclement lors du combat de Teghime (Achille Murati y est blessé sérieusement à la tête) et les nationaux doivent se replier sur Macinaggio. Encerclés, les nationaux se rendent aux Français mi-août. Quelques jours plus tard, coupée de sa ligne de ravitaillement, la garnison de Capraia commandée par Astolfi capitule. La Nation perd le Cap Corse.
Les forces de Paoli, prises de court par cette campagne très rapide, n’ont pas eu la possibilité d’intervenir dans le Nord (dans le Sud, Gaffori s’empare toutefois de la ville neutre d’Ajaccio et, en Balagne, Algajola tombe aux mains des Nationaux). Cependant, quand le marquis de Chauvelin, lieutenant-général du roi, quitte Bastia en direction du Sud, il va tomber sur une armée de plusieurs milliers de Nationaux avides de revanche et fortement motivés par Paoli, qui leur a délivrés un superbe discours lors du regroupement au camp de Lucciana. Surpris, ayant peur d’un encerclement, Chauvelin ordonne le repli vers Biguglia. Dans sa précipitation, il abandonne même les places prises quelques jours auparavant (Mariana, Penta) avec du matériel et laisse en arrière garde, pour couvrir sa retraite, deux régiments dans la place forte de Borgo, soit un peu plus de 500 hommes, placés sous les ordres du colonel de Ludre, neveu de Choiseul.
Le 6 octobre, 4000 nationaux commandés par Giacumu Petru Abbatucci (lieutenant-général de l’armée du Pomonti, un homme brillant, tout d’abord hostile à Paoli avant d’être séduit), Gaffori et Grimaldi attaquent Borgo et s’emparent du seul point d’eau potable, rendant très inconfortable la position tenue par de Ludre. Le 9 octobre, Chauvelin avec 1400 fantassins et deux escadrons de légion se porte au secours des assiégés alors que Grandmaison tente une diversion sur Murato (où Paoli a établi l’Hôtel des monnaies) mais il est défait (Marbeuf y est blessé) et le repli français vers Bastia est ordonné dans la nuit. Pressé par les nationaux, Grandmaison doit abandonner Oletta et se replier vers Saint-Florent. Le 10 octobre, la garnison française de Borgo capitule, laissant aux Nationaux de nombreux mousquets et trois canons. Dans cette bataille, les Nationaux ont perdu 300 hommes (morts et blessés) mais le prestige de l’armée en ressort grandi. Suite à ces déconvenues, les français proposent un armistice, que Paoli refuse car il veut mettre encore plus de pression sur l’ennemi. Malheureusement, celui a été nommé babbu di a nazione (père de la Nation) ne peut convertir cette victoire en triomphe, manquant de soutien et devant laisser repartir de nombreux volontaires dans leurs familles (6).
Durant cette première campagne, les Français comptabilisent 1600 tués et 600 blessés, pour un résultat sur le terrain quasiment nul. Pour Louis XV, qui sort de la calamiteuse guerre de Sept Ans, c’est intolérable. Alors, à Versailles, on réagit. Choiseul relève le marquis de Chauvelin de son commandement et choisit pour régler la situation un militaire de grande renommée – Noel Jourda, comte de Vaux – et lui confie 19 régiments d’infanterie et la moitié du parc d’artillerie français (avec les tous nouveaux canons Gribeauval, qui seront testés durant cette campagne).
LA CAMPAGNE FRANCAISE DE 1769
De Vaux, utilisant comme repères les notes que lui a confiées Dumouriez, entame ses opérations le 9 avril 1769 et débarque ses 22000 hommes en différents endroits de l’île (6). De son côté, Paoli réussit à réunir 20000 miliciens appuyés par les deux régiments soldés et deux grosses compagnies de Prussiens déserteurs de l’armée génoises, mis sous les ordres du comte Antone de Gentile.
Le 25 avril, tous les régiments établis dans le nord de l’île (7) se mettent en route en direction de Ponte Novu, passage important sur le Golo et clé du centre de la Corse. Il prend en charge le centre de l’armée, confie l’aile droite à Arcambal avec 2000 hommes et l’aile gauche à Marbeuf (2800 hommes). Le 4 mai, Arcambal s’empare du village d’Olmeta avec le régiment du Languedoc et 100 volontaires de Viomesnils. De nombreux patriotes sont arrêtés et sommairement jugés. Le lendemain, De Vaux ordonne l’offensive générale. Le soir, il dîne à Borgo, qui a fait sa soumission, la garnison de 450 miliciens ayant fuit devant les imposantes colonnes françaises. Paoli ordonne le déploiement de ses forces en divers points clés mais les ordres passent mal (incompréhensions, voire trahisons, comme la défection de Gaffori, qui reste inactif à Ponte Leccia) et la progression française n’est pas ralentie.
Le premier véritable contact sur produit le 7 mai, quand le régiment de Rouerge se heurte à 500 miliciens balanins bloquant le col de Tenda, sur la droite française. Les Nationaux replient mais, alors que le gros de l’armée Corse attend sur la rive droite du Golo, un contingent de 1200 balanins venus de Petralba prend de flanc l’aile droite française. Bien que secoués, les Français parviennent à redresser la situation, les Nationaux coordonnant mal leurs attaques. Dans le même temps, les 2000 Nationaux tenant le centre du dispositif de Paoli quittent leur position défensive, traversent le Golo et attaquent l’avant-garde française à Santu-Ciprianu. Violemment secoués, les Volontaires de l’armée entament un mouvement de déroute et replient en désordre. De Vaux envoie alors deux bataillons de La Marine pour les soutenir puis ordonne la contre-attaque. Devant l’avancée des impressionnantes lignes françaises, les Nationaux passés de l’autre du Golo se replient alors vers le pont de Ponte Novu, poursuivis par La Marine, quand arrivent sur leur flanc les légions de Soubise et quatre compagnies de grenadiers du régiment de Champagne. Quand les premiers Nationaux arrivent sur le pont, les Prussiens(8) de De Gentile, qui tiennent une redoute et qui ont pour ordre de tenir la position (le débat entre historiens sur les raisons de ce comportement court toujours), refusent de les laisser passer et ouvrent le feu. Littéralement pris en tenaille, les Nationaux sont pris sous la mousqueterie des Français et subissent de nombreuses pertes. C’est le sauve-qui-peut général. Certains essaient de traverser le fleuve à la nage et meurent noyés, d’autres entreprennent de se cacher sur la rive ou essaient de passer pour mort. Par contre, pour ceux coincés sur le pont, il n’y a aucune issue, les derniers survivants construisent des barricades avec les morts avant de tomber à leur tour. Décidant que la bataille est perdue, Paoli se replie sur Corte. Dans cette bataille de Ponte Novu, les Nationaux perdent environ 200 hommes sur le pont et plus du double sur les berges du Golo. Le comte de Vaux a également payé cher sa victoire, avec près de 800 morts et blessés sur ces deux jours, mais l’essentiel est accompli : la route de la capitale, Corte, lui est ouverte.
Grâce à la fougue de ses lieutenants, qui bloquent l’avance française à Vivario, et de son frère, qui harcèle les colonnes ennemies avec 200 miliciens, Pascal Paoli parvient à échapper à la capture.
Le 8 mai 1769, accompagné de 300 partisans, Paoli rejoint Porto Vecchio et quitte la Corse sur une frégate anglaise. Si la Nazione disparaît ce jour là, la pacification de l’île ne s’achèvera qu’en 1774 avec la fin de l’insurrection du Niolu (9).

(1) Le Royaume de Corse est né le 15 avril 1736 quand Théodore de Neuhoff est couronné roi de Corse par les leaders de la révolte de 1729. Il quitte la Corse sept mois plus tard, confiant la Régence aux généraux Paoli, Giafferi et d’Ornano, pour y chercher des alliés dans sa lutte contre Gènes. De retour en Corse en 1738 avec de l’artillerie, des mousquets et des munitions, mais sans armée. Ayant perdu la confiance de ses sujets, il repart pour Naples peu de temps après.
(2) Jean-Baptiste Desmarets, marquis de Maillebois, remplace en 1738 le comte de Boissieux à la tête des troupes françaises (environ 8000 hommes) mis au service de Gènes. Bien que défait à la bataille de Borgo en décembre 1738, il parvient, en faisant preuve de patience et d’habileté, à obtenir la reddition des leaders du Royaume de Corse. Mais, dans les faits, la situation ne change pas, Gènes n’exerce toujours aucun contrôle sur l’intérieur de l’île.
(3) Ghjuvan Petru Gaffori (1704-1753) est issu d’une grande famille insulaire et fils du podestat de Corte. Secrétaire du roi Théodore, il est nommé Protecteur de la Nation lors de la consulte d’Orezza en 1745 et prend la tête de la résistance contre Gènes. Il réalise quelques beaux faits d’armes (comme la prise de la citadelle de Corte en 1746) mais il est tué lors d’une embuscade le 3 octobre 1753. Parmi les assassins se trouve son frère. Sa sœur Faustina est mariée à Mario Emanuel Matra.
(4) Dumenicu Baldassari est officier du Royal-Corse avec le grade de capitaine et chevalier de Saint-Louis quand il accepte en 1758 la proposition de Paoli de lui confier le commandement des Troupes Soldées au coté de Buttafoco. Originaire de Furiani, cet officier très courageux décède en 1763, emporté par les fièvres.
(5) Dans le courant de l’année 1763, Pascal Paoli rencontre monsieur de Valcroissant, un ambassadeur français. Un traité de collaboration est élaboré dans les bureaux du Palazzu entre les deux hommes durant quelques mois avant que le plénipotentiaire ne disparaisse dans la nature. Sidéré et réalisant qu’il a été dupé, Paoli, pourtant dans un premier temps peu hostile aux Français, cherchera ailleurs des appuis. Il continuera cependant d’échanger une correspondance avec Choiseul.
(6) En plus d’un manque de discipline, l’armée nationale souffrait du fait qu’elle était composée principalement de paysans qui quittaient soudainement les rangs pour rejoindre leurs villages pour y effectuer les travaux saisonniers ou régler des affaire familiales. Du jour au lendemain, une compagnie pouvait voir ses effectifs réduits de moitié.
(7) Oletta, Saint-Florent : La Marine, La Marck, La Marche, Buckeley, Roscommon, 150 volontaires corses, un détachement de dragons et un détachement d’artillerie.
Biguglia (sud de Bastia) : Tournaisis, Soissonnais, Rouerge, Eptingen, Corps Royal d’artillerie.
Bastia : Champagne, Aquitaine, légion de Soubise, Volontaires de l’armée
Brando (Cap Corse) : Languedoc, Royal Italien
Calvi : Bourgogne, détachement d’artillerie, 130 volontaires corses.
(8) Ces mercenaires étrangers, désignés par les Corses sous le nom de Prussiens, comptaient cependant des soldats de différentes nationalités, et étaient équipés à la piémontaise.
(8) Sous le joug français, les années 1773 et 1774 sont des périodes de pénurie très difficiles. Le Niolu est la région la plus durement touchée et rêve à nouveau de liberté. L’insurrection éclate et menace de se répandre dans l’île. Mais, grâce à des trahisons, Marbeuf, qui a été nommé gouverneur de l’île, prend connaissance de la date du soulèvement et intervient en envoyant dans le Niolu le comte de Narbonne, le général Sionville et seize bataillons. La répression est sauvage est terrible ; des villageois sont arrêtés, certains sont pendus et leurs corps sont exposés, pour l’exemple, à l’entrée des villages, les autres sont envoyés au fort Lamalgue de Toulon – ou ils mourront de privations -, les maisons des « rebelles » sont brûlées, les troupeaux égorgées, on dénombre des viols et des pillages.
ANNEXE : L’ARMEE CORSE
Au début des années 1760, l’armée du Royaume de Corse est composée de trois types de troupes :
– Des troupes régulières : deux régiments formés à l’Européenne d’environ 300 hommes chacun, choisis par les hommes les plus instruits et les plus disciplinés. Un régiment est chargé de la sécurité de Paoli et l’autre chargé des opérations de police dans les pieve. Leur armement est inspiré de la tenue traditionnelle avec mousquet porté à l’épaule, pistolet et poignard à la ceinture. Leur uniforme comprend culotte, guêtres, chemise et veste, le tout en drap sombre épais fabriqué localement. Ils sont chaussés de brodequins. La coiffe est un bonnet noir en drap à revers (qui peuvent être dépliés pour protéger tempes et oreilles) doublé d’une étoffe rouge. Ce sont d’excellents soldats, bien formés pour la petite guerre et d’habiles tireurs. Les officiers (capitaines et colonels) sont plus élégant, la veste et la culotte en drap remplaçant l’épais tissu des soldats et les bottes remplaçant guêtres et brodequins. Le bonnet est de drap bleu liseré de rouge. Ces régiments n’ont ni fifres ni tambours, les appels se faisant au moyens de conques marines ou de sifflets.
– Des milices soldées, levées dans le pieve en trois bans, regroupées par compagnies de 30 soldats, trois caporaux, deux sergents, un lieutenant et un capitaine. L’effectif total théorique est de 12000 hommes, âgés entre 16 et 60 ans. Il ne sera jamais atteint. Veste longue, culotte épaisse, toutes deux en peau de chèvre, guêtres en cuir, brodequins cloutés, bonnet pointu en feutre marron, et ceinture de cuir avec besace composent l’habituel uniforme de ces troupes soldés par quinzaine.
– Des volontaires : équipés de manières diverses, il s’agit de troupes réunies lors de l’appel en masse pour défendre la Nation.
Le commandement : Pascal Paoli est un ancien officier du Royal Farnese, de l’armée des Deux Siciles, et il connaît très bien ses limites militaires, qui lui seront néfastes lorsqu’il se retrouvera face à un homme de guerre avisé comme De Vaux. Il a cependant un fort charisme et une grosse influence sur le moral des ses hommes. Dépassé par les événements, il restera sans réaction à Ponte Novu. Ses officiers, tous soldés, sont de bons et loyaux combattants ; Clemente Paoli (son frère), Vinciguerra, De Gentile, Murati et Pasqualini. Mais il y a un gros manque au niveau des officiers subalternes.
Repères bibliographique
Le mémorial des Corses, collectif en 7 volumes, SARL Le Mémorial des Corse, 1981
Paoli, un corse de Lumières, Michel Vergé-Franceschi – Ed. Fayard, 2005
En défense des valeureux corses, James Boswell – Ed. du Rocher, 2002
Pascal Paoli, père de la patrie corse, Antoine-Marie graziani – Ed Tallandier, 2004
La Corse face à Gênes, entre féodalité et modernité, Charles de Peretti, Colonna édition, 2008
Dictionnaire historique de la Corse, Antoine Laurent Serpentini (dir.), Ajaccio, Albiana, 2006.