Le numéro 30 de Guerres & Histoire est marqué par des changements, à la fois dans la ligne rédactionnelle et dans la cosmétique du périodique. En fait, bien moins que de déclencher révolution conceptuelle, il s’agissait pour la rédaction d’effectuer quelques petites retouches afin de coller plus aux aspirations de la majorité de leur lectorat. Tout en respectant les contraintes économiques de la presse, secteur que l’on sait en délicatesse. Donc, de manière générale, la revue conserve ses spécificité, si appréciées des spécialistes comme des simples amateurs d’Histoire militaire, qui priment la vulgarisation, le journalisme pédagogique et l’éclectisme, accompagnés d’une forte iconographie.
La couverture, élément cosmétique, et le dossier central, élément rédactionnel, ont été les principales cibles – et les plus évidentes – de ce relookage baptisé un peu pompeusement Nouvelle Formule. Je dois admettre que j’admire peu cette nouvelle illustration de couverture qui, c’est évidemment volontaire, cherche à « rajeunir » le magazine pour attirer le regard du lectorat le plus large. Personnellement, je trouve ce patchwork éclaté aussi moche que brouillon. Bon, ce n’est pas bien grave, l’essentiel n’est-il pas le contenu ? Ne dit-on pas communément, pour citer ce vieil Alfred, « qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse »… quand bien même j’ai l’impression de tenir en main un numéro de Science & Vie Junior.
Le dossier central a été raccourci. Honnêtement, je ne sais pas pourquoi. Peut-être tout simplement parce que Guerres & Histoire a réduit sa pagination. Une histoire d’équilibre, donc.. Peut-être. Dans le cas de ce numéro, cela n’entraine guère de préjudices car le dossier est dédié, non pas à une large période de l’Histoire comme Guerres & Histoire avait, jusqu’à présent, coutume de faire, mais à un fait de guerre bien précis, à savoir l’attaque britannique de la flotte française à Mers El-kébir en 1940 (opération Catapult). Un sujet plus ciblé, donc, qui bénéficie ici, une nouvelle fois, des excellentes analyses de Nicolas Aubin, Bernard Costagliola et Pierre Grumberg. Le dossier, jusqu’alors cœur de la revue, est donc moins important, même si avec ses 98 pages (au lieu de 106), il y a encore de quoi dire. Reste à découvrir comment vont être abordés les prochains thèmes.
Cette décision a pour avantage de laisser aux autres articles suffisamment d’espace pour entretenir éclectisme et juste profondeur de traitement. Ainsi, j’ai eu plaisir à découvrir que ce numéro d’avril-mai est aussi riche, voire plus, que les précédents. Si certaines chroniques ont été supprimées (comme Peindre la guerre ou Opérations Spéciales), celles qui font le succès de G&H ont été conservées, et elles gagnent même en visibilité. Ainsi, le fidèle lecteur peut toujours suivre Yacha MacLasha dans ses interview inédites et passionnantes (ici, celles de Miki Cohen et Ardon Cohen, deux hommes qui ont contribué à la construction d’Israel) et voyager au fil de l’Histoire avec des spécialistes comme Laurent Henninger (qui nous parle d’un événement historique rarement traité, la défaite portugaise à Ksar El-Kébir en 1578, qui voit la mort de trois rois sur le même champs de bataille), Vincent Bernard (l’armée américaine du 19ème siècle, entre mythe et réalité) et Frédéric Bey (avec un superbe sujet la conquête de la Dacie, cette province romaine qui deviendra la Roumanie).
Côté technique, à noter un dossier très complet sur l’histoire du Mirage III, son origine et ses variations (par Benoist Bihan, moins présent dans ce numéro), l’avion qui a fait la réputation de Dassault. Je ne suis pas fan du sujet mais je l’ai lu sans déplaisir. L’épisode Caméra au Poing de ce numéro 30 est consacrée au fiasco américain en Somalie de 1993 avec, c’est le principe de cette rubrique, des photos saisissantes. Enfin, la personnalité mis en lumière dans la nouvelle rubrique Etat de Service est le général Alexeï Broussilov. Yasha MacLasha et Jean Lopez nous y dressent un très intéressant – et assez mitigé – portrait de ce personnage emblématique de la Révolution Bolchevique. Le seul à être sorti blanchi (si j’ose dire) de son confrontation avec les Rouges. J’y ai beaucoup appris.
Bref, Guerres & Histoire a peut-être perdu en pagination, mais cela ne s’est pas fait au détriment de la qualité
Ma note : 4/5
SOMMAIRE DU NUMERO 30
EXCLUSIVITE !
Israel 1948, Miki Cohen et Ardon Cohen livrent le récit de leyur guerre d’indépendance.
SUR LE FRONT
Caméra au poing – Somalie, 1993. L’ONU vaincue par les Seigneurs de Guerre
Troupes – Tuniques bleues : cavaliers de la frontière
La guerre oubliée – La Dacie, une conquête inutile ?
Aux armes ! – Mirage III, le chasseur à succès tricolore
Retour sur un mythe – Ksar el-Kébir, la débacle portugaise au Maroc
Etats de service – Alexeï Broussilov, des Blancs aux Rouges
DOSSIER
Mers el-Kébir 1940 – Fallait-il détruire la flotte française ?
– la flotte de tous les fantasmes
– Un drame en 10 actes
– Pourquoi Churchill a voulu Mers el-Kébir.
– Une déchirure dont l’Axe ne profite pas.
RUBRIQUES
– Actualités
– Vos questions à la une !
– Un objet, une histoire – Le luger
– A lire, à voir, à jouer
– Courrier des lecteurs
– D’estoc & de Taille par Charles Turquin