« Sire, vous n’êtes plus invincible »
Madame de Maintenon à Louis XIV, le lendemain de la défaite française à Blenheim
CONTEXTE: LA GUERRE DE SUCCESSION D’ESPAGNE (1701-1714)
La guerre de Succession d’Espagne a opposé de 1701 à 1714 la France et l’Espagne à une coalition européenne. L’enjeu en était le trône d’Espagne, laissé vacant en 1702 à la mort de Charles II, et, à travers lui, la domination en Europe. Dernière grande guerre de Louis XIV, elle a contribué à la ruine économique de la France, qui n’a évité l’invasion que de justesse.
L’Angleterre et les Pays-Bas, craignant la nouvelle puissance de la France alliée à roi bourbon d’Espagne, forment en 1702 la Grande Alliance avec la Bavière, la Prusse et l’Autriche. Pendant les années qui suivent, les armées de la coalition, dirigées par le prince Eugène et le duc de Marlborough, remportent de nombreuses victoires sur tous les terrains : Blenheim en 1704, Toulon en 1707, Lille en 1708.
En 1708, Louis XIV est obligé de demander la paix. La coalition exige qu’il retire son soutien à Philippe V et qu’il se charge de déposer lui-même son petit-fils en lui envoyant l’armée française. Louis XIV refuse ces conditions humiliantes et poursuit la guerre. La France est à bout de forces et la coalition semble en mesure d’avancer jusqu’à Paris. C’est pourtant à ce moment que le rapport de forces se met à évoluer. À Malplaquet, une bataille sans réel vainqueur, l’armée française inflige de telles pertes aux Anglais que ceux-ci n’exploitent pas leur avantage. Deux ans plus tard, à Denain, le maréchal de Villars, à nouveau, remporte contre les forces impériales une victoire qui écarte les risques d’invasion.
Toute l’Europe est épuisée. La France, en particulier, a considérablement souffert des impôts rendus nécessaires par les combats. L’issue de la guerre ne pourra venir que de la diplomatie. Au congrès d’Utrecht, qui réunit les belligérants depuis janvier 1712, chacun essaie de trouver une sortie honorable. Philippe V conserve le trône d’Espagne ; le roi actuel, Juan Carlos Ier, est son descendant direct. Toutefois Philippe doit renoncer, pour lui et pour sa descendance, au trône de France même dans le cas où les autres princes du sang français disparaîtraient. De la même manière, la France conserve une grande partie des conquêtes de Louis XIV (Alsace, Roussillon, Lille…), mais elle doit abandonner toute prétention au trône d’Espagne. En Amérique, la France cède l’Acadie à l’Angleterre et l’Espagne perd le monopole de l‘aciento ou Traite des noirs. Les combats cessent définitivement en 1714.
La guerre de succession d’Espagne a profondément marqué l’évolution du rapport des forces entre les puissances européennes. L’Angleterre s’est affirmée comme l’une des puissances majeures en Europe. En Amérique du Nord, elle a commencé à évincer la France. Ce processus se poursuivra avec la renonciation au Québec en 1763 et s’achèvera avec la vente de la Louisiane aux États-Unis d’Amérique en 1803.
LA BATAILLE DE BLENHEIM
Au début de l’été 1704, les deux armées françaises du Nord sont dirigées par les maréchaux Tallard et Marsin, car Villars, exaspéré par les attitudes déplacées de l’électeur de Bavière, a été envoyé par Louis XIV, qui désirait avant tout garder l’appui de son seul allié allemand, au fond des Cévennes lutter contre les Camisards, alors que son autre général de valeur, Vendôme, est occupé sur un autre front. Tallard a reçu l’ordre de marcher sur le Danube, afin de mettre la pression sur l’Autriche en menaçant Vienne. Mais Malbourough, excellent tacticien, dirigeant une armée plus mobile, devine la manœuvre et suit une route parallèle avant de couper celle des Français, au niveau de Blenheim, un petit village de Bavière située entre Augsbourg et Nordlingen, sur la rive nord du Danube.
LES ARMEES
Le commandement : les alliés bénéficiaient des meilleurs généraux de l’époque, le duc de Marlbourough et le Prince Eugène de Savoie Carignan. Deux hommes qui s’estimaient mutuellement, et en général, en parfait accord sur le champ de bataille. Du coté français, en l’absence d’un Villars en disgrâce, le commandement des armées du Nord revint à deux maréchaux, de qualité médiocre, qui n’avaient fait leurs preuves qu’en de rares occasions. De plus, le système de commandement français était encore très primitif, avec l’infanterie regroupée en trois énormes ailes rigides, dont une était commandée par le très instable Emmanuel de Bavière. La seule souplesse provenant de deux colonnes de réserves laissées en arrière. De l’autre coté, l’armée Anglo-Hollandaise, en avance sur son temps, était remarquablement bien organisée, divisée en colonnes (ou divisions) ayant leur propre commandement. Un énorme avantage, même si l’armée impériale du Prince Eugène ne présentait pas les mêmes avantages.
L’infanterie : L’infanterie Britannique était indiscutablement, à cette époque, la meilleure. Pratiquant déjà le feu par peloton, sa cadence de tir était supérieure à leurs alliés et leurs adversaires, et elle joua un grand rôle dans la bataille. L’infanterie impériale et hollandaise était, quand à elle, bien motivée et bien préparée, dans le standard des troupes de l’époque. Du coté Français, il en était tout autrement. L’entraînement était assez relâché et les niveaux des régiments très variables. A Blenheim, les Français valaient surtout par la qualité de leurs régiments irlandais, le reste étant au mieux moyen, comme les régiments bavarois d’ailleurs.
La cavalerie : là encore, l’avantage va incontestablement aux Horse anglais, qui bénéficiaient des meilleures montures et de la technique de la charge sabre au clair, et de manière très efficace. De leur coté, les Français, si leur courage n’était plus à prouver, utilisaient encore la technique obsolète de la charge au trot et au pistolet, ne sortant leur sabre qu’une fois au contact. Les brigades de cavalerie impériale et bavaroise, même si elles chargeaient parfois, mais pas toujours, sabre au clair étaient moins efficaces que les Britanniques, qui possédaient les meilleurs chevaux d’Europe et qui avaient un meilleur entrainement.
Les Alliés possédaient des brigades de dragons, capables de démonter, mais qui ne possédaient pas, à part les Dragons Hollandais de la Garde, les capacités de la charge au galop. De leur coté, les Franco-bavarois n’eurent que deux régiments de dragons, dont un combattit démonté.
LE CHAMP DE BATAILLE
Le champ de bataille de Blenheim, ou de Höchstädt, est un véritable traquenard pour l’armée française, bien supérieure en nombre et moins mobile que les Alliés. Le maréchal de Tallard, si myope qu’il ne voyait pas un mètre (ce n’est pas une blague) fit déployer l’armée Française avec son aile droite le dos au Danube, et cet incapable de Marsin se hâta d’approuver. Bilan: 2000 hommes se noyèrent dans le fleuve et dans l’un de ses affluents lors de la déroute. Le plus gros bourg de cette plaine marécageuse est le village de Blenheim, ce fameux village ou se retrouva bloqué une grosse partie de l’armée française, le corps du marquis de Clérembault, qui les abandonna lâchement et qui finit par se noyer dans le Danube au cours de sa fuite.
Blenheim se situe en Bavière, à 35 km au nord-ouest d’Augsbourg, ce n’est qu’une immense étendue de champs, et c’est dans ces étendues que 110 000 hommes s’affrontèrent. La plaine d’Höchstädt s’étend sur une surface de 8 kilomètres, de Munster à Dillingen. Sa meurtrière particularité est d’être entrecoupée de deux rivières marécageuses, dont la Nebel, qui jouera un grand rôle.
LA BATAILLE
La veille, très tôt le matin, les Alliés se mettent en marche vers la plaine d’Höchstädt, en colonne par huit, pour un total de 66 bataillons, 166 escadrons et 60 canons. Les carrosses de Marlborough et du prince Eugène ferment la marche. Arrivés sur le terrain, les généraux font déployer l’aile gauche, composée d’Impériaux, et commandée par le Prince Eugène. Marlborough conduit quand à lui l’aile droite, composée de troupes Hollandaises et Anglaises. Derrière, en réserve, se tiennent près 67 bataillons et 21 escadrons. Le 12 au soir, de l’autre coté du Danube et près du village de Blenheim les Français s’installent pour bivouaquer, à moins de deux kilomètres.
Le 13 au matin, les généraux français, Tallard, Marsin et l’Electeur de Bavière discutent de la stratégie à employer, et se mettent d’accord pour prendre une position défensive sur la ligne Danube- Oberglau – Blenheim, et attendre froidement l’ennemi. Tallard dispose alors 12 escadrons de cavalerie derrière une barrière de chariots situés entre le Danube et Blenheim. Neuf bataillons sont installés dans Blenheim, et 7 derrière eux en support. A cent mètres derrière, on trouve 11 bataillons en ordre de bataille. Entre Blenheim et Oberglau, Tallard range 68 escadrons, soutenus par neuf bataillons, à un kilomètre derrière la Nebel. De leur coté, Marsin et l’Electeur de Bavière disposent leur cavalerie entre Oberglau et Lutzingen et placent leur infanterie sur chaque aile, puis ordonnent au comte d’Arco de déployer ses 12 bataillons bavarois en poste avancé, devant Lutzingen, le flanc gauche appuyé sur une colline et les bois. En tout, ce sont 56 000 hommes répartis en 84 bataillons, 147 escadrons et 90 canons, face aux 52 000 Alliés.

Bleinhem abrite le flanc droit français, le village de Lutzingen le gauche, et au centre de leur ligne défensive se trouve le village de Oberglau. Derrière eux se trouve le Danube et les marais, et à sa gauche un terrain fortement boisé. En face d’eux, Tallard se retrouve avec Marlborough en face et Marsin avec le Prince Eugène. Comme cela arrive souvent à l’époque chez les Français, on retrouve encore la cavalerie en position centrale de l’armée. Encore plus étrange, la décision de Tallard d’entasser un grand nombre de bataillon dans le petit village de Blenheim, et de plus, au lieu de défendre la rive nord de la Nebel, les Français s’en sont déployés fort loin. Des erreurs grossières que ne manqueront pas de remarquer les Alliés.
Pourtant, les premières attaque Alliées semblent donner raison au dispositif Français, la poussée des prussiens sur Oberglau est violemment repoussée, et seuls un cinquantaine d’hommes reviennent indemnes sur les trois régiments engagés.
Sur la droite française, la colonne de Cutts se rapproche de Blenheim, et perd 4 régiments hollandais avant se s’emparer de deux moulins à eau servant de redoutes aux français. Tallard, de son coté, malgré les opportunités de contre-attaque, reste mollement inactif puis part rendre visite à Marsin, au moment même ou Marlbourough finit de franchir le Kessel, devant les généraux français qui, sans chef, ne savent que faire. En même temps, sur la droite française, la colonne Cutts atteint Blenheim et se fait massacrer par un batterie de six canons installée sur la droite, et cela durant trois heures, avant de se retirer, épuisée.
Marlborough arrive alors à la Nebel et parvient à faire construire des ponts pour ses troupes, malgré d’énormes pertes dans les pionniers, exposés au feu de l’artillerie française.Vers midi, la tension retombe un peu, et Marlborough apprend enfin que le prince Eugène a fini de poser les ponts sans que l’ennemi ne fasse quoique ce soit. A midi et demi, Marlborough lance l’ordre d’attaquer et ses troupes marchent alors vers la Nebel. Sur sa gauche, cinq bataillons Anglais se dirigent vers les palissades de Bleinhem et attaquent le village, ils sont repoussés avec de nombreuses pertes, dont le général Rowe, tué à la palissade. Les survivants se regroupent avec la colonne Cutts. Mais dans Blenheim, la situation est critique: 12 000 hommes sont entassés, pouvant à peine bouger, les 2 000 morts jonchant la palissade ne faisant qu’empirer l’affaire. Les Alliés insistent dans une troisième charge, repoussée également. Marlborough, cependant, remarque que de cette manière, 16 bataillons Alliés occupent 27 bataillons français, alors que le reste de ses troupes prend pied et se reforme sur la terre ferme. Tallard fait alors chargé 8 escadrons de Gendarmerie pour essayer de les repousser, mais ils sont rapidement mis en déroute par une contre-attaque de 5 escadrons anglais du colonel Palmes, ce qui permet à Marlborough de complètement se déployer.

Autour d’Oberglau, le prince de Holstein-Beck mène dix bataillons à l’assaut du village, mais Blainville contre-attaque en lançant contre lui une force importante, alors que ses troupes n’ont même pas fini de traverser la Nebel. Attaqué par Blainville et ses redoutables Oies Sauvages (les Wild Geese, les brigades irlandaise) et menacé sur sa droite par la cavalerie de Marsin, le prince demande en vain des renforts au prince Eugène. Les deux bataillons du prince qui ont traversé la Nebel sont écrasés. C’est alors que Marlborough, sur son cheval, traverse la Nebel sous le feu des canons, rallie à lui les troupes de Holstein-Beck, puis il prend la direction des événements. Il parvient enfin à repousser les Irlandais qui replient vers Oberglau, mais les charges continuelles de la cavalerie de Marsin le mettent à mal. Il demande alors du soutien à Eugène, qui, malgré les difficultés qu’il connait dans sa progression, accepte et lui envoie les cuirassiers impériaux. Une mêlée terrible s’engage entre les cuirassiers impériaux de Fugger et la cavalerie de Marsin, qui débordée, finit par dérouter.
Vers 15 heures, pilonné par les l’artillerie de Marlbourough à présente bien installée et agressée sans cesse par l’infanterie et les cuirassiers, Blainville décide de se replier vers Blenheim. Cerné de toute part, il est battu. Mais Blenheim tient encore, alors Marlborough donne l’ordre à son frère, Charles Churchill, de foncer sur le centre français, pour couper définitivement l’armée française en deux. De son coté, le prince Eugène mène également l’offensive, mais il subit d’énormes pertes et son cheval est même tué sous lui; ses aides de camp l’abrite alors dans un petit bois. Prenant l’initiative, Wurtemberg relance encore une attaque, met soudainement l’ennemi en déroute, et vers 16h30, les premiers bataillons Alliés commencent à tourner Lutzingen à la gauche des lignes françaises. Celles-ci, très fatiguées, commencent à s’ébranler, et Tallard, victime de sa myopie dira Saint Simon, néglige d’évacuer Blenheim, qui devient rapidement une cohue terrible et meurtrière.
Au centre, Marlbourough envoie ses lignes de cavalerie, encore fraîches, à l’assaut. Après une bonne résistance des carrés français, Malbourough déploie alors son artillerie et l’infanterie allemande, et prend en enfilade les 9 bataillons français. Les carrés tiennent mais se font massacrer sur place, car ils sont abandonnés à leur sort par la cavalerie française qui se replie en désordre. Tallard décide alors, mais trop tard, d’évacuer Blenheim, car les troupes en repli sont rattrapés par les 70 escadrons de la cavalerie de Lumley. La cavalerie française de Blenheim est repoussée vers les bords du Danube, et 2 000 cavaliers périssent noyés, Tallard est fait prisonnier. A 18 heures, l’armée de Tallard est détruite. De son coté, le prince Eugène peste car il trouve les résultats de sa cavalerie insuffisants, et il rejoint l’infanterie, des Danois et des Prussiens qui repoussent devant eux les Bavarois. Marsin et l’Electeur, apprenant l’écrasement de Tallard, décide de retraiter, laissant seule la garnison de Blenheim, qui résiste toujours, et qui est lâchement abandonné par son commandement, le marquis de Clérambault, qui se noiera d’ailleurs dans sa fuite. Son remplaçant, le marquis de Blansac, dirige la résistance de Blenheim, qui est assailli de tous les cotés. On se bat de partout, dans les jardins, les maisons, les rues, les vétérans français tiennent bon mais ils finissent par se rendre à Orkney , avec les honneurs de la guerre.
Au final, les pertes françaises s’élèvent à 12 800 morts et 20 800 prisonniers, dont des personnages d’importances, comme Tallard, le courageux marquis de Blansac, et Montpéroux, chef de la cavalerie française. Le comte de la Baume, fils de Tallard, et Clérambault sont morts, ainsi que le très estimé lieutenant général bavarois Salfield. De leur coté, les Alliés comptent 6 000 tués et 7 500 blessés. Marlborough se montrera très courtois envers les Français, et très humble dans la victoire. En voyant un vigoureux et récalcitrant grenadier français prisonnier, il lui dit: « S’il y eut cinquante mille hommes comme toi à l’armée française, elle ne se fût pas ainsi laissé battre. – Eh, Monsieur, répond le grenadier, nous avions assez d’hommes comme moi; il ne nous en manquait qu’un comme vous. » La désastre de Blenheim marque la fin de l’initiative française. a partir de cette date, les Français devront se réduire à défendre leur territoire des invasions alliées.

JOUER LE SCENARIO DE BLENHEIM AVEC LES REGLES VOLLEY AND BAYONET.