Je n’ai pas gardé un excellent souvenir des deux précédents opus de Napoléon, triptyque coédité par les maisons Fayard et Glénat (voir les critiques ici des tomes 1 et 2) dans le cadre de leu collection Ils ont fait l’Histoire. J’espérais cependant un mieux pour ce troisième volet, baptisé La chute, chargé de nous conter les dernières années de règne de l’ogre corse. En effet, j’avais à l’esprit l’idée qu’à l’occasion de ce dernier épisode, Noël Simsolo, le scénariste, pourrait parvenir à effacer ce qui, à mon avis, compose le plus gros défaut des deux précédents : une synthétisation extrême entraînant une perte de force narrative. Pourquoi ? Et bien parce que le récit de cet album reconstitue les événements survenus entre 1811 et 1815. Certes, cette période n’est pas moins riches en dates importantes que les précédentes – bien au contraire – mais désormais Noël Simsolo bénéficie de deux atouts non négligeables : un sujet d’étude – Napoléon 1er – au profil psychologique affirmé et à la position sociale concrétisé et un environnement immédiat désormais bien défini. Deux aspects qui devait permettre au scénariste de densifier son récit, de donner plus de force à l’histoire de cet homme extraordinaire. Mon optimisme n’a été récompensé qu’en partie.
En effet, Noël Simsolo, toujours avec l’aide de l’éminent Jean Tulard, parvient ici à éviter l’impression quelque peu atone des deux précédents albums. Il en ressort un Napoléon plus imposant, plus en accord avec l’indélébile trace qu’il a gravé dans l’Histoire de France et du monde occidental. Même constat concernant son « premier cercle », avec un choix de traitement qui, comme dans le tome 2, met en avant les agissements des éléments les moins fiables (Bernadotte, Murat, Talleyrand, Fouché, etc.) Une tendance « intime » qui était déjà sensible auparavant et qui amène à l’œuvre un petit côté « la vie privée de… ». Ce postulat est plutôt intéressant dans le sens ou il explique, à travers un récit d’une limpidité extrême, les nombreuses difficultés qu’a rencontrées l’empereur pour trouver un soutien sincère et véritable. Mais c’est toutefois négliger que Napoléon ne manquait pas de fidèles et talentueux serviteurs qu’il a, parfois, eu le tort d’écarter. On est donc un peu dans un processus de sur-dramatisation, ce qui est dommageable pour le sérieux d’une œuvre qui se pose comme une véritable biographie.
Ce tome 3 débute en pleine guerre d’Espagne pour s’achever à Sainte-Hélène. Les quelques années d’exil, qui séparent sa seconde abdication de sa mort le 5 mai 1821, sont rapidement expédiés en quelques cases. En fait, l’ouvrage se concentre principalement sur l’aventure européenne, et surtout sur la terrible campagne de Russie. Et là, je le dis tout de go : le traitement du sujet ne m’a pas convaincu. En fait je n’ai pas aimé la technique de synthétisation, très scolaire, qui amène certains personnages à expliquer à un autre des faits que, de toute évidence, il ne peut ignorer. Cela se produit de nombreuses fois dans le récit, en fait, dès que l’auteur ressent la nécessité de resituer le lecteur dans le fil de l’Histoire. Un manque de subtilité qui génère une impression de gaucherie (voire de facilité), qui contribue à éloigner le lecteur. C’est d’autant plus dommage que Noël Simsolo a par ailleurs fait un effort évitant les lieux communs – en plus de mettre en lumière les manipulations de Talleyrand ou les errements de Murat, il s’attarde à nous exposer les difficultés rencontrées par la Grande Armée en Russie.
Bien évidemment, tout cela se fait au détriment des batailles, qui sont généralement traitées en deux ou trois cases, même les plus célèbres comme Waterloo ou la Moskova. Et oui, difficile de reconstituer l’histoire du premier empire en bandes dessinées de 48 pages, quand bien même l’on y consacre trois albums ! Il a fallu faire, et renouveler, des choix. Ceux des auteurs sont tout à fait respectables, mais il est certain qu’une partie du lectorat – la plus guerrière – ne va guère y adhérer. Enfin, dernier point qui dérange : les dessins – c’était déjà le cas avec les deux premiers albums. La couverture est superbe. Vraiment. L’intérieur moins. De nouveau, Fabrizio Fiorentino nous propose une œuvre qui varie en qualité de moyen à médiocre au gré des planches, les moins réussies mettant en scène des personnages aux traits irréguliers et disgracieux ou des plans d’ensemble rapidement esquissés. Enfin, la mise en couleur d’Alessia Nocera, à la chromatique et au contraste déséquilibrés, ne contribue pas à améliorer l’ensemble.
Au final, avec la parution de ce troisième album, les éditions Glénat/Fayard ferme cette œuvre consacrée à Napoléon Bonaparte. En choisissant un angle d’attaque peu commun – plus d’intrigues politiques et moins de batailles – le scénariste Noël Simsolo se démarque de la masse, ce qui est bien, mais malheureusement, la construction narrative, qui manque de subtilité, et le dessin, vraiment très perfectible, gâchent un peu cette belle initiative.
A noter, en fin d’album, un cahier historique réalisé par Jean Tulard, toujours intéressant.
Ma note : 2.5/5
Napoléon, tome 3/3
Scénario de Noel Simsolo
Dessin de Fabrizio Fiorentino
Couleurs d’Alessia Nocera
Historien : Jean Tulard
Paru aux éditions Glénat/Fayard (avril 2016)
48 pages