3,5 etoiles

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Si Prosper Mérimée était un intellectuel dont l’activité ne se limitait pas à la littérature et à l’écriture théâtrale (il était également, et surtout, historien et archéologue), c’est en œuvrant dans ces domaines qu’il a marqué l’esprit populaire. Parmi ses écrits les plus connues figure Colomba, un récit imaginé au retour de son séjour en Corse, alors qu’il effectuait une mission dans le cadre de ses fonctions d’inspecteur général des monuments historiques. Mais Colomba n’est pas la première histoire que Prosper Mérimée à consacré au « folklore » corse. Une dizaine d’année plus tôt, l’esprit de l’écrivain était déjà allé faire un petit tour au cœur de la Méditerranée. Plus précisément dans la région de Porto Vecchio.

En effet, en 1829 sortait dans les colonnes de la prestigieuse Revue de Paris Mateo Falcone, une nouvelle d’un jeune auteur de 26 ans ; Prosper Mérimée. A cette époque, ce passionné de vieilles traditions, de folklore et de fantastique ne s’était pas encore rendu en Corse. Cette histoire mettant en évidence, de façon tragique, la priorité de l’honneur sur l’amour paternel, présenté comme une véritable malédiction, ne repose donc que sur les sources livresques du futur auteur de La Vénus d’Ille. Dans ce drame, un jeune père, se sentant obligé de restaurer l’honneur de son nom, assassine son fils de 10 ans, qu’il juge coupable de traîtrise et de cupidité. Cette nouvelle connut un grand succès. Un carton, dirait-on aujourd’hui.

Adapté au cinéma en 2008 (malheureusement, Eric Vuillard préfère transposer l’intrigue dans les Causses pour construire une sorte de western contemplatif et sensoriel), en opéra et même en manga. Dans le secteur de bande dessinée européenne, il fallait remonter aux années 80 avec l’oeuvre de Duret et Clavaud (du moins, à ma connaissance). Depuis, plus rien. Jusqu’à cette année 2016. Fruit d’une nouvelle collaboration du scénariste Frédéric Bertocchini et du dessinateur Sandro (après Colomba, en 2012), Mateo Falcone est une bande dessinée éditée par DCL – une dynamique maison d’édition basée en Corse – forte de 40 pages et dont le principal mérite est de parfaitement retranscrire l’esprit tragique de la nouvelle, tout en lui faisant bénéficier d’un traitement moderne et dépouillé – afin de toucher à l’essentiel.

L’histoire, aussi simple que cruelle, bénéficie d’un découpage « story-boardé » (j’ose le barbarisme) très pertinent, s’inspirant de la cinématographie de Sergio Leone ou de Coppola. Forts en gros plans et en « silences », le dessin de Sandro, évitant le superflu, vise surtout à transmettre les variations d’atmosphère (nombreuses) et les émotions et, souvent, dans mon cas, il y parvient. Souvent, mais pas toujours. En fait, si je suis parfois resté un peu de marbre devant cette terrible histoire de père infanticide, c’est parce que j’ai eu un peu de mal à accrocher à un style trop lisse et parfois un peu trop orienté manga à mon gout. Cela ne doit donc rien à la qualité intrinsèque des dessins, qui est des plus satisfaisantes.

Au final, même si Mateo Falcone n’est pas la BD qui m’a le plus emballé au cours de ces derniers mois, la belle initiative des auteurs, à elle seule, mérite que l’on s’y intéresse. Si, à cet aspect, on rajoute le scénario habile de Bertocchini, qui consacre un véritable effort de modernisation , force est de dire que cette nouvelle œuvre de ce duo d’artistes est digne de figurer dans toutes les bonnes bédéthèques insulaires (tout du moins !), à côté de Colomba, Sampiero Corso, Libera Me, Aiò Zitelli, Aleria 1975 et autres bandes dessinées consacrées à faire connaitre l’histoire et le patrimoine culturel de la Corse.

A noter la présence d’un intéressant carnet graphique en fin d’ouvrage.

Ma note : 3.5/5

MATEO FALCONE
Scénario : Frédéric Bertocchini
Dessin : Sandro
Couleur : Nino
Paru aux éditions DCL (juillet 2016)
40 pages (plus un carnet graphique de 8 pages)
14,50€

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