Sorti courant 2008 dans les salles obscures françaises, Capitaine Alatriste conte le quotidien d’un aventurier espagnol durant la période trouble qu’est le XVII° siècle de la guerre de Trente Ans. Tirée d’une série de romans écrits par Arturo Pérez-Reverte (Les aventures du capitaine Alatriste), le film de Agustin Diaz Yanes apparaît comme une remise aux goûts du jour d’un genre qui connut ses heures de gloire dans les années 60 : le film de cape et d’épée. Le sujet de Capitaine Alatriste nous laisse donc espérer des personnages forts en caractère, de l’action à travers des duels et des affrontements de masse, de la romance un peu intrusive (avec un brin de pathos), et des inévitables intrigues d’alcôves impliquant son lot de traîtres et de gens-foutres. Le tout, bien sûr, mis en scène avec un souci de classicisme et d’élégance visuelle.
Dans ce film de plus de deux heures, qui se pose comme un condensé des six premiers tomes de la série littéraire (et c’est peut-être là que se situe une partie du problème), le spectateur amateur de grands « films en costumes » est invité à suivre les tribulations d’un courageux mercenaire à la solde de l’Espagne, sur les champs de bataille des Flandres et à la brillante cours de Madrid. Au fil du récit, Diego Alatriste, homme d’honneur toujours à cours d’argent, se voit confier l’éducation d’un enfant par son ami mourant, doit s’effacer devant la convoitise d’un roi pour son aimée, accepter quelques missions lucratives mais peu nobles, et régulièrement croiser le fer avec un épéiste qui n’a qu’un seul souhait : le vaincre en duel. Bref, vous l’avez compris, le capitaine Alastriste n’a pas le temps de s’ennuyer. Par contre, pour le spectateur, ce n’est pas toujours le cas. Malheureusement.
En fait, si le métrage de Yanes ne manque pas d’intérêt – déjà, il comble un vide, le film de cape et d’épée étant assez rare de nos jours -, force est d’admettre que l’ensemble souffre de quelques longueurs et peine souvent par un rythme pachydermique et un scénario brouillon. Les longs plans d’expositions ne sont pas totalement injustifiés – ils mettent d’ailleurs souvent en valeur de jolis costumes et décors – mais le manque d’inspiration – de souffle poétique ! – dans la réalisation génère parfois une l’ennui et l’ensemble tourne alors en verbiage peu réjouissant. Même constat concernant le traitement des personnages. Si Alatriste (interprété par Viggo Mortensen, très bon, comme d’hab.) et les autres protagonistes laissent apparaître des profils plutôt intéressants, la distanciation de la réalisation nous empêche de les rendre attachants, ou haïssables.

L’aspect historique est, par contre, assez bien réussi. Au-delà des costumes et des décors, l’amateur de la période pourra apprécier les trois séquences consacrées à nous faire revivre les grandes batailles du passé (un coup de main derrière les lignes ennemies, le travail de sape durant le siège de Breda et, enfin, la bataille de Rocroi). Ainsi, bien que Yanes ait dû composer avec des moyens limités, notamment dans la figuration, (le « dernier tercio » réunissait 4500 vétérans, représentés ici par une ridicule poignée de figurants), la séquence consacrée à la bataille de Rocroi ne manque pas d’intérêt, avec une sympathique reconstitution des tactiques « pike & shot » où la caracole de la cavalerie du duc d’Enghien (qui deviendra le Grand Condé) armée de pistolets à rouet s’oppose au mousquet à mèche sur sa fourquine et à la longue pique des tercios espagnols de Francisco de Melo. Le petit côté « Braveheart » de la réalisation accuse un sévère manque d’inspiration mais le spectacle reste très regardable et il est toujours agréable de se rappeler de cette date importante, le 19 mai 1643, qui est considérée par beaucoup comme un tournant dans l’art de la guerre, avec la fin de l’ère de domination des tercios sur les champs de bataille.
A noter que Les aventures du capitaine Alatriste a, depuis, été adaptée en série télévisée. Ce show TV espagnol, réalisé en 2014, a été racheté l’année dernière par Arte et diffusée sous le titre El Capitan. Je ne l’ai hélas pas encore visionnée.
Ma note : 3/5
Capitaine Alatriste (Espagne -2008)
Réalisation : Agustin Diaz Yanes
Scénario : Agustin Diaz Yanes, d’après l’œuvre de Arturo Pérez-Reverte
Musique : Roque Baños
Avec : Viggo Mortensen (Diego Alatriste), Elena Anaya (Angélica de Alquézar), Unax Ugalde (Iñigo Balboa), Eduard Fernandez (Sebastian Copons), Eduardo Noriega (Conde de Guadalmedina), Ariadna Gil (Maria de Castro).
145 minutes.