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Benjamin Brillaud est le créateur et l’animateur de Nota Bene, une chaîne Youtube à succès ayant pour thème l’Histoire, et plus particulièrement l’Histoire militaire. Usant d’un ton décontracté, voire potache, se concentrant sur l’essentiel tout en agrémentant ses exposés d’anecdotes, Benjamin Brillaud raconte l’Histoire à sa manière, s’adresse avant tout à un jeune public non spécialisé, et matérialise le troisième côté – celui du fan de Kameloot ou du Seigneur des Anneaux -, qui complète le triangle méritant de la vulgarisation, Stéphane Bern et Laurànt Deutsch pouvant incarner les deux autres – la ménagère et le bobo parisien. Oui, je sais, j’utilise ici quelques raccourcis que l’on pourrait qualifier d’osés. C’est d’autant plus assumé que j’aime bien ces deux personnages.

En 2016, tout fier (et il a bien raison!) de son succès, Benjamin Brillaud se fait le disciple des Michel Chevalet et Laurent Broomhead – les pionniers de la vulgarisation – et franchit une nouvelle marche, celle de l’édition littéraire, avec la parution chez Robert Laffont de Nota bene – Les pires batailles de l’Histoire, titre subjectif s’il en est puisque le terme n’est valable que si l’on se place du côté du vaincu. Devant l’entreprise, le fidèle  lecteur de Guerres & Histoire que je suis se dit alors: pourquoi pas? Reste à découvrir si une telle démarche pourra trouver un public dans ce milieu très coincé qu’est celui du récit historique. Franchement, je l’espère. Mais j’en doute tant il est difficile de se faire une place de choix dans les linéaires surchargés des librairies.

« C’est dans ce contexte très tendu qu’un élément perturbateur, Renaud de Châtillon, vient provoquer un événement qui entraine le royaume tout entier vers une issue incertaine.
S’il convient d’être subtil dans la description d’un personnage historique aussi important que Renaud de Châtillon, force est de constater qu’un seul adjectif me vient à l’esprit lorsqu’il s’agit d’évoquer ce gaillard: Renaud est surtout un bon bourrin! » (extrait de Hattin, le temps des croisades)

Dans ce livre, en un peu plus de 300 pages, Benjamin Brillaud nous raconte le déroulement de quinze batailles. Une pagination vraiment trop réduite pour pouvoir composer un récit détaillé, force est de le dire. En conséquence, durant le processus de création, l’auteur a dû faire preuve d’une grande maîtrise dans l’art d’aller à l’essentiel, tout en insufflant à son exposé cette légèreté de ton qui fait toute l’originalité de sa démarche pédagogique sur l’Internet. De ce point de vue, je pense que l’exercice est une réussite. Benjamin Brillaud prouve qu’il est un chroniqueur peu conformiste mais efficace. Après une très rapide (et donc discutable) description de contexte propre à chaque conflit, usant d’une plume très accessible et teintée d’humour, agrémentant son texte de petites fictions faisant offices de « mises en situations » et des parenthèses d’histoire générale sobrement intitulées « Pendant ce temps là dans le monde… », Benjamin Brillaud parvient à composer des textes clairs et concis, aptes à satisfaire la curiosité d’un lectorat jeune et/ou non spécialisé.

« Deux familles, les Hosokawa et les Yamana, émergent et s’opposent brutalement. C’est la guerre civile d’Onin qui s’éternisera durant près de dix ans. Au terme de ce conflitr, qui voit des centaines de milliers de soldats s’affronter, le territoire est profondément divisé et de nombreux combats éclatent entre les clans …/… C’est ce que l’on nomme l’ère Sengoku, à ne pas confondre avec Sangoku, lui aussi passablement énervé lors de ses mauvais jours! » (extrait de Myong-Yang, naissance d’un héros)

En fait, le titre de ce livre est quelque peu trompeur. Hormis quelques exceptions, comme le fiasco de la Baie des Cochons, il est difficile d’appliquer ce qualificatif racoleur à la plupart des engagements. Alors, certes, ces batailles surprennent parfois de par leur conclusion à la vue du rapport de force originel, un déroulement inattendu ou des circonstances surprenantes – comme lorsque la flotte hollandaise est attaquée par la cavalerie française (si, si!) lors de la bataille du Heder – mais tout cela ne justifie pas le choix d’un tel titre. Bon, dans tous les cas, rien de dramatique.

« George était épuisé. Après quelques dizaines de minutes de combat, il ne restait plus grand monde autour de lui. Cherchant du regard un point de repère, un visage familier vers lequel il pourrait se tourner, il ne tombait que sur des corps hérissés de flèches et sans vie. a ses cotes, un homme aux yeux bleus azur était allongé sur le dos. Il semblait fixer le ciel et les nuages…./… Au loin, il entendait les cris de l’ennemi.
– Michikinikwa! Weyapiersenwah!
(Extrait de La Wabash et l’expansionnisme américain)

Pour ce qui est de l’aspect documentaire et de l’intérêt pédagogique, Les pires batailles de l’Histoire concrétise sur le papier la vision d’un chroniqueur féru de récits militaires, d’un amateur enthousiaste. Benjamin Brillaud ne joue pas à l’historien, il ne cherche qu’à communiquer sa passion. Aussi, si vous êtes un tant soit peu intéressé par l’histoire militaire, ce livre ne vous apprendra rien. Il peut éventuellement faire office de piqûre de rappel récréative. Par contre, je conseillerais chaleureusement cet ouvrage à un jeune lecteur qui souhaiterait débuter dans cette passionnante aventure qu’est l’apprentissage de l’Histoire militaire; ce livre est un bel outil d’initiation, très digeste – l’introduction de ces petites fictions qui a pour seul but de donner un peu de vie à l’exposé. Seuls petits reproches: j’ai été un peu surpris par la présence de quelques inexactitudes dans les mises en situation qui introduisent chaque texte et je n’ai trouvé aucun intérêt aux dessins d’Arcady Picardi (à part celui de présenter l’ouvrage à la manière d’un livre-jeunesse).

Sommaire du livre
Marathon, une course contre la montre
Tyr contre l’empire macédonien
Hatti, le temps des croisades
Courtrai, panique chez les nobles
Azincourt et la guerre de Cent Ans
Otumba, le périple de Cortés
Gravelines, l’Armada d’eau douce
Myong-Yang, naissance d’un héros
Culloden, la dernière marche pour le trône
La Wabash et l’expansionnisme américain
Le port du Helder au fil de l’eau
Isandhlwana, lances contre fusils
Zanzibar, une guerre minutée
Pont-Saint-Louis, la résistance française avant l’heure
La baie des Cochons, une histoire de révolutions

Ma note : 3/5

Les pires batailles de l’histoire
Un livre de Benjamin Brillaud
Illustrations d’Arcady Picardi
Paru aux éditions Robert Laffont (octobre 2016)
314 pages – 19.50€
A noter que le livre est disponible en format numérique sur le site Robert Laffont