S’il est dit que les voyages forment la jeunesse, pour les vieux comme moi, ils sont plus utiles pour découvrir de nouvelles lectures. Au gré des linéaires d’une librairie d’aéroport, au milieu d’une abondante presse consacrée à l’histoire, ma main, poussée par un heureux hasard, s’est emparée d’un exemplaire d’Histoire & Civilisations. Une revue qui n’en est pas à son premier essai puisque ce numéro de novembre porte le numéro 22.
Né des efforts du binôme Le Monde / National Geographic, Histoire & Civilisations propose ici un sommaire dont l’éclectisme n’est pas sans me rappeler mon magazine d’histoire militaire préféré. Sa démarche éditoriale est d’ailleurs la même avec une volonté de faire dans la vulgarisation intelligente, apte à satisfaire un très large lectorat. La force de ce numéro s’appuie sur un dossier consacré aux Mérovingiens (une dynastie actuellement en pleine réhabilitation), construit par un spécialiste qui n’est autre que l’éminent Bruno Dumézil, maître conférences à l’université Paris-Ouest et auteur d’un livre dont j’ai particulièrement apprécié la lecture : Des Gaulois aux Carolingiens (Puf, 2013). Comme dans ses ouvrages, Bruno Dumézil, à grands renforts d’arguments s’appuyant sur les découvertes les plus récentes, se penche à nous faire oublier l’imagerie des rois fainéants, héritage d’une éducation peu objective et partisane.
Egalement au sommaire :
– Complots d’Illuminés dans la Bavière des Lumières. Isabel Hernandez, de l’université Complutense de Madrid, nous retrace la fulgurante histoire de cette loge secrète au fonctionnement proche de la franc-maçonnerie qui, dans le dernier quart du XVIII° siècle, connut un énorme succès avant d’être mis au ban par le Grand-duc de Bavière. Cette loge, qui connut dans ses rangs de grandes personnalités de l’époque, comme Goethe, fut interdite en 1787 en Europe, mais certains de ses membres émigrèrent aux Etats-Unis, pour continuer leurs activités.
– Très, très intéressant, l’article de Francis Joannes, sur la tour de Babel. Il nous apprend que grâce aux dernières recherches archéologiques, les historiens ont pu déterminer l’origine de la cette fameuse tour, élément central d’un récit biblique. Ce texte puise son inspiration dans Etemenanki, la ziggourat de Babylone construite pour vénérer le dieu Marduk, qui a, en son temps, impressionné les Hébreux lors de leur exode.
– Dominique Kalifa nous parle, lui, des Apaches. Non pas ceux qui peuplaient le sud-ouest de l’Amérique du Nord, mais ceux qui écumaient les rues du Paris d’avant-guerre. L’auteur nous conte l’histoire de ces bandes de voyous qui ont suffisamment marqué les esprits pour s’inscrire dans la culture populaire à travers romans et cinéma.
– Histoire passionnante que celle du chef sioux Sitting Bull. Après avoir acquis sa célébrité en luttant vaillamment contre l’expansion coloniale américaine, il devint star de show business grâce à Buffalo Bill, pour finir sa vie sous les balles d’un policier indien de sa réserve. Un personnage fascinant.
– Eva Subias Pascual nous rappelle dans Les visages d’au-delà quels extraordinaires témoignages de la basse-antiquité sont les portraits mortuaires du Fayoum, cette cité antique de l’Egypte Ptolémaïque. Grace à ces dessins, on a peu apprendre énormément de choses – vêtements, bijoux, cosmétiques – sur cette civilisation mêlant éléments égyptiens, hellénistiques et latins.
– Bien connu des amateurs d’histoire militaire, Yann Le Bohec revient ici sur Pydna 168 av.JC, la bataille qui a scellé la fin de l’indépendance de la Macédoine, et par conséquence celle de la Grèce. Vaincu par les légions manipulaires de Paul Emile, les phalanges de Persée ont été reléguées au rang d’objets du passé. Pourtant, Yann Le Bohec émet quelques réserves, mettant en évidence que l’issue de la bataille doit plus à l’incompétence de l’encadrement qu’à la qualité intrinsèque des unités.
L’américain Peter Holland nous parle, lui, de Shakespeare. Démystifiant le personnage, il nous dresse un portait réaliste et finalement très conventionel. Trop, peut-être, ce qui encouragea ses contemporains et ses admirateurs à lui construire une existence plus en accord avec la nature mouvementée de ses œuvres.
Enfin, pour finir, un article qui, je l’avoue, m’a peu passionné : un compte rendu assez général sur les fouilles du cimetière du Céramique, situé à quelques kilomètres au nord d’Athènes. Le texte de Maria Teresa Magadan ne m’a pas passionné.
Ma note : 4/5
Histoire & Civilisations, n°26
Novembre 2016
Mensuel – 92 pages – 5,95€