Trafalgar est le premier opus d’une série de bandes dessinées consacrées aux grandes batailles navales de l’histoire, éditée aux éditions Glénat, sous la direction d’un grand spécialiste de l’histoire maritime, Jean-Yves Delitte, qui, ici, signe également le scénario – le dessin est assuré par Denis Béchu.
La démarche de Jean-Yves Delitte est assez intéressante. Plutôt que suivre la voie habituelle qui est d’appréhender la bataille essentiellement à partir du point de vue de Nelson ou de Villeneuve, et de nous refaire une énième reconstitution de l’engagement, Jean-Yves Delitte a préféré élargir son horizon pour nous offrir une vue générale sur la situation avant la bataille, en s’attardant sur les officiers et les membres d’équipages – notamment un jeune gabier destiné à jouer un grand rôle dans le déroulement de l’Histoire – avec un grand H.
Jean-Yves Delitte nous entraîne dans le port de Cadix, où l’on partage le quotidien de la troupe et des officiers, ou à bord de la flotte britannique, qui attends la rencontre avec les français. Allant au-delà des aspects tactiques et stratégiques, bien retranscrits, le scénariste s’est également penché à nous rappeler l’importance de l’élément psychologique dans l’art de la guerre. Car ici, il est loin d’être négligeable. Côté Franco-Espagnol, c’est l’ennui et le découragement qui domine, avec une opinion générale très défavorable à Villeneuve (qui n’est pas imméritée). Dans le camp britannique règne plutôt l’impatience d’en découdre et une confiance aveugle – à la limite de l’adoration – envers l’amiral Nelson. Un contraste qui n’a peut-être pas été la clé du succès britannique, mais qui a certainement eu son influence.
La bataille en elle-même ne constitue que quelques planches. Mais elle est très bien mise en scène et en image par un dessinateur inspiré – et qui a dû bénéficier des bons conseils de Jean-Yves Delitte, dessinateur officiel de la Marine – avec de superbes dessins de vaisseaux de ligne. Usant d’un style très réaliste, Denis Béchu parvient parfaitement à restituer la violence de ces affrontements où balles de mousquets, boulets et débris d’explosions déchiraient les chairs et arrachaient les membres. Il est à noter que le récit se concentre sur quelques moments forts de la bataille, en restant au niveau des équipages, au cœur de l’action. Cette bande dessinée ne peut donc pas être considérée comme une véritable reconstitution tactique – aucune vue d’ensemble sur la bataille, aucune explication sur les manœuvres et les tactiques employées – et pourra décevoir quelques amateurs d’Histoire militaire – les déçus pourront combler cependant se consoler en se reportant au copieux dossier historique qui figure en fin d’album, réalisé par Jean-Yves Delitte.
Bref, même si je regrette un peu le faible nombre de pages consacrés à la bataille, Trafalgar ouvre de belle manière une collection pleine de promesses !
Ma note : 3,5/5
TRAFALGAR (Glénat -2016)
Scénario de Jean-Yves Delitte
Dessin et couleurs de Denis Béchu
Couverture de Jean-Yves Delitte
Dossier historique de Jean-Yves Delitte
Paru aux éditions Glénat (mars 2016)
48 pages (plus un dossier historique de 7 pages)