Parfois, une erreur de parcours permet de faire quelques intéressantes découvertes. Parfois. Mais pas toujours. D’autres vous entraînent à vivre des expériences ennuyeuses, voire désagréables. De celles que j’ai vécues hier soir. Elle est le fruit au goût de moisi née de la précipitation alcoolisée et de mon manque d’attention. J’oserai même qualifier cette attitude coupable de laxisme. Fautif, il me fallait donc assumer, boire le calice jusqu’à la lie. Dignement. Et cela sans soutien moral puisque ma moitié, se sentant moins impliquée, a rapidement succombé, dès les premières images, aux appels d’un Morphée jouant pour l’occasion le rôle de bruyant libérateur (oui, elle ronfle, surtout après quelques Spritz). Ce supplice filmique, véritable remède contre la constipation neuronale, cette soupe insipide et indigeste porte un nom : Sword of Vengeance.
Sword of Vengeance ne raconte rien. Ou presque. C’est juste l’histoire d’un guerrier sorti de nulle part qui cherche à se venger (vous me direz, au regard du titre, c’est logique) en tuant un seigneur normand qui dirige d’une main de fer, pour le compte de Guillaume le Conquérant, les contrées fraîchement conquises situées au nord de l’Angleterre (cela se passe donc dans les années 1066 et des brouettes). Hors, de ce script évoquant la note de Post-it, Jim Weedon a cherché à faire une œuvre ambitieuse. Pour cela, le réalisateur a lorgné vers le cinéma contemplationniste – celui de Terrence Malick, par exemple – qu’il doit apprécier, de la même manière qu’un épagneul breton apprécie un clip de Dog TV construit sur fond de bombarde et biniou. Gonflé, le Jimmy. Mais, hélas, pour Jim Weedon ce style se traduit par l’usage d’une unique technique, employée ad nauseum : le ralenti. En fait, Sword of Vengeance est un navet de 45 minutes qui, par l’effet de cet artifice, se transforme en une purge d’une heure et demie. Une heure et demie durant lesquels on voit un acteur quasiment muet (un point positif au regard de la nullité des dialogues) qui marche au ralenti, égorge au ralenti, chevauche au ralenti, se restaure au ralenti, baise au ralenti… Pareil pour les autres protagonistes. Un choix de traitement ridicule qui atteint son paroxysme durant la séquence de la reconstruction du village, aussi longue que totalement vide d’intérêt. Sauf si vous aimez les longs gros plans sur la paille et les poutres (ceci dit sans aucun sous-entendu trivial).
Donc, pour en revenir au « scénario », dans Sword of Vengeance, on suit le parcours d’un mystérieux guerrier au look playboy-barbare, qui, arrivé dans un village habité par des saxons opprimés par les Normands, fomente une révolte pour attirer l’attention de Durant et de ses deux fils – entre temps, il se tape évidemment la bombasse du village. Comme on peut s’en douter, le seigneur Durant va tomber dans le piège et se présenter avec sa puissance armée de vingt figurants, en ligne de bataille, face aux rebelles. L’exposition évoque à la fois des métrages comme Les sept mercenaires ou Braveheart mais l’écriture et la construction des personnages sont si pauvres que la force dramatique est aux abonnés absents (j’en ai presque regretté le mélo christique de Mel Gibson, c’est dire). Seule la photographie, plutôt bien chiadée, accroche l’attention, avec notamment quelques petits passages sanglants graphiquement marqués. Heureusement, car vu le rythme du métrage, on a le temps de la contempler !
Finalement, de ce guerrier sorti de nulle part qui, tel les Barbarians de Ruggero Deodato (les amateurs de bis italiens comprendront), parvient à faire exploser les liens qui l’empêche de se porter au secours d’une belle roumaine (heu… saxonne), on finit par connaitre l’origine. On s’en doutait quand même un peu, au regard de la complexité de l’intrigue. Mais, embrumé dans ce spectacle insipide qui enchaîne des plans que l’on contrait sortis tout droit d’une cinématique de jeu de vidéo, on s’en fout comme de sa première chaussette – quoique, pour rire, j’aimerai bien voir à quoi ressemblait ma première paire de chaussettes.
Tout ça pour vous dire : ne faites pas comme moi, choisissez votre film du soir avant l’apéro, sinon vous pourriez bien vous retrouver devant Sword of Vengeance. Je vous aurai prévenu !
Et pour ceux qui ne connaîtraient, le cultisissime de The Barbarian, Ruggero Deodato 1987.