Les lignes gracieuses de la réplique de l’Hermione, frégate française ayant eu à son bord le marquis de La Fayette, a brièvement ravivé dans la mémoire collective le souvenir de l’implication du royaume de France dans un conflit qui, dans le fond, ne le concernait que peu. Un engagement que l’on pourrait même juger contre-nature, puisque son l’issue entraîna la création d’une véritable démocratie républicaine.  Alors, quelle idée a pu traverser l’esprit de Louis XVI, ce monarque pacifique (ne pas confondre avec pacifiste), pour s’engager dans une pareille entreprise ? Un conflit si coûteux qu’il fut en partie responsable de la faillite de son état ? Guerres & Histoire, en consacrant son dossier central sur ce thème, tente de nous éclairer en mettant en lumière les tenants et les aboutissants d’une affaire longtemps difficile à décrypter car noyée dans l’écheveau politique qu’était l’Europe des Lumières et occultée par sa proximité avec une révolution française et son affection pour l’empirisme.

Le dossier est un ensemble d’articles où les auteurs, Pierre Grumberg et Fadi El Hage, s’attachent à nous exposer, de la manière la plus simple possible, le processus qui a entraîné la défaite de la puissante nation britannique. Ils reviennent particulièrement sur l’intervention française qui s’est montrée décisive par plusieurs moyens. En effet, l’engagement de La Fayette pour la cause des Insurgents, le débarquement du contingent de Rochambeau, font partie d’un ensemble d’éléments qui ont permis à Washington et au Congrès la conduite de la guerre. Cela serait une grave erreur d’oublier l’effort logistique (l’armée Continentale manquait de tout ; uniformes, fusils, canons, munitions) et les actions de la marine française qui, une fois n’est pas coutume, a tenu en échec la Royal Navy. Un chouette dossier, qui présente les Bourbons sous un bon jour.

Guerres & Histoire doit sa bonne réputation à son éclectisme et la qualité de ses articles, notamment dans le domaine de la vulgarisation. Ce numéro 39 ne déroge pas à cette règle, avec un niveau de qualité rarement atteint ! Ainsi, en plus de cet très intéressant dossier, le lecteur va pouvoir satisfaire sa curiosité avec une série d’articles plus passionnants les uns que les autres :

– L’interview exclusive est cette de Guy-Pierre Gautier, un ancien membre des FTP. Dans cette première partie, il nous raconte son entrée dans la résistance et ses actions clandestines. Un témoignage qui prouve (à ceux qui peuvent encore en douter) que la police française et les milices étaient plus impliqués dans la répression et la surveillance que l’occupant allemand. A noter que l’article est agrémenté de dessins, extrait d’une bande dessinée consacrée à l’histoire de Guy-Pierre Gautier.

Eric Trèguier, pour la rubrique Troupes, nous propose un article sur… les Prétoriens ! Sacrée coïncidence puisqu’il s’agit également du thème de mon dernier billet !  En seulement trois pages, Eric Tréguier nous dit l’essentiel sur ce corps d’élite de l’armée romaine, et le lecteur en sort nettement plus érudit qu’après la lecture de mon texte aux allures d’usine à gaz.

– Les fans d’aviations seront ravis de découvrir un comparatif entre le Spitfire et le Messerschmitt Bf 109. Même si l’exercice n’est pas nouveau, l’article brille par sa précision dans le détail et une excellente mise en lumière des qualités et des défauts des deux appareils.

La bataille du Lechfeld, livrée en 955, a quelque peu disparu dans les méandres de l’Histoire. Pourtant, son issue marqua un tournant de l’histoire européenne car non seulement elle stoppa une invasion, mais de plus, elle hissa son vainqueur, le roi Otton, à un statut qui fut la première marche vers une accession impériale. Un article très intéressant de Sylvain Gouguenheim.

– Les amateurs de la seconde guerre mondiale ne sont pas oubliés avec un article de Nicolas Aubin reprenant le déroulement de l’opération Market Garden. Intitulé Un bon trop loin, le texte retrace, sans concession, les circonstances ayant entrainé son échec. Le constat est amer.

– Dans Etat de Service, Fadi El Hage nous présente Gonzalve de Cordoue, alias El Gran Capitan. Un texte captivant qui cause autant du personnage que du métier de condottiere et de l’art de la guerre durant la renaissance. Une période passionnante où les grands capitaines prirent à leur compte les évolutions techniques pour créer de nouvelles doctrines militaires, à base de tercios et d’arquebuses, alors que les médiocres étaient laminés.

– Enfin, dans la rubrique Caméra au Poing, une petite piqûre de rappel avec un tour au Sri Lanka, avec une série de photos commentées ayant pour thème la guerre entre l’armée sri-lankaise et les Tigres tamouls (1983-2009).