En l’an -413, battu sur terre comme sur mer, un important corps expéditionnaire athénien, composé de milliers d’hoplites démoralisés et affamés, tente d’échapper à une destruction totale sur les terres de Sicile. En vain, le désastre en peut être évité. Athènes, vaincu par des insulaires occidentaux, à peine plus éduqués que des Barbares, est humilié. Pourtant, deux ans auparavant, bien peu de témoins présents sur les quais du Pirée auraient parié la moindre piastre sur la survie de Syracuse! Il est vrai que le spectacle de cette magnifique flotte de guerre, portant les 40,000 soldats-citoyens d’une cité jusqu’alors invaincue, présentait un spectacle des plus impressionnants. Que s’est-il donc passé durant ces deux années pour en arriver là ? C’est ce que nous explique Frédéric Bertocchini dans Athènes et le désastre de l’expédition de Sicile.

Des guerres de la Grèce antique, je ne connais que ce que j’ai lu dans l’Anabase de Xénophon et La guerre du Péloponnèse de Thucydide (et les études et commentaires d’Olivier Battistini). Autant dire que je ne suis pas un spécialiste de la période. L’ouvrage de Bertocchini présentait donc pour moi une occasion de combler quelques lacunes, d’approfondir un peu ce que j’avais compris (ou cru comprendre) dans le texte de Thucydide. Je le dis tout de go : Je n’ai pas perdu mon temps.

En effet, Athènes et le désastre de l’expédition de Sicile se pose comme une superbe analyse de ce qui fut un important épisode de la guerre du Péloponnèse et un tournant dans le déroulement du conflit. L’ouvrage, qui suit un découpage aussi structuré que limpide, nous offre un regard très éclairé sur les différents enjeux et aboutissants. Mettant à profit sa belle érudition dans le domaine, l’auteur se penche à répondre à moult questionnements légitimes. Pourquoi Athènes a tenté cette aventure si risquée ? Comment s’est organisée la construction du corps expéditionnaire ? Qu’arriva-t-il une fois le contingent parvenu à destination? Il nous expose les circonstances de la trahison d’Alcibiade, les conséquences d’un siège mené sur un terrain inhospitalier et malsain, l’influence de la supériorité syracusaine en matière de cavalerie, les spécificités de la société athénienne et bien d’autres éléments ayant eu leur rôle à jouer . Enfin, en fin d’ouvrage, l’auteur procède à une intéressante synthèse qui met en avant les sept principales causes ayant entraîné la défaite athénienne.

A noter que, bien qu’il soit le fruit d’un démarche universitaire, le style est également l’un des atouts de ce livre. Sous l’effet des mots de l’historien corse, la plume parfois hermétique des auteurs classiques se transforme en une agréable prose mettant en valeur les aspects héroïques et romanesque propres à cette incroyable épopée militaire. Et la met à portée de tous. Enfin, presque… (mieux vaut avoir quand même quelques bases).

Pour conclure, j’aurai tendance à dire que l’expédition de Sicile est en quelque sorte le pendant antique de la campagne de Russie de 1812. Ou un Market Garden en trières, aspis et cnémides. Que l’on pourrait intituler  »Une île trop loin ».

Athènes et le désastre de l’expédition de Sicile

Un livre de Frédéric Bertocchini

Paru aux éditions Clémentine (décembre 2017)

290 pages — 18,90€