Le 1er mai 1756, dans un bureau de Jouy-en-Josas, un petit château situé en proche banlieue parisienne, se produisit un événement qui eut un impact politique aussi retentissant que pourrait l’être, de nos jours, l’annonce d’une réconciliation totale entre les Etats-Unis et la république islamique d’Iran : la signature du traité de Versailles ! Ce traité, (signé par l’intermédiaire de plénipotentiaires) entre le roi de France et de Navarre Louis XV et la reine-impératrice de Hongrie et archiduchesse d’Autriche Marie-Thérèse mit un terme à plus de trois siècles de lutte entre les Bourbons et les Habsbourg et, surtout, fut le déclencheur d’un phénomène de renversement d’alliance qui allait complètement transformer le paysage politique européen. Dans son superbe ouvrage sur la guerre de Sept ans, l’historien Edmond Dziembowski qualifie les négociations de 1756 de « révolutions diplomatiques ». Rien de moins. Tout cela mérite que l’on revienne sur les faits, et que l’on nettoie de ses scories nauséabondes et calomnieuses ce grand fait historique.

La France, une puissance crainte et respectée

Avant de débuter ce petit récit des événements, le lecteur doit bien être conscient d’une chose ; en 1756, la France et l’Autriche (je concentre en ce terme, par pure facilité, l’ensemble des domaines des Habsbourg, à savoir l’Autriche, la Hongrie, la Bohème, les Pays-Bas Autrichiens et un tas de petits domaines – que les puristes me pardonnent) étaient les plus puissantes nations du monde. À ce moment, Louis XV ne pouvait envisager, en aucune manière, la tournure défavorable qu’allait prendre le déroulement de la guerre de 7 ans. Même si la guerre de Succession d’Autriche généra quelques inquiétudes, la France était toujours une puissance crainte et respectée, dotée de la meilleure armée du monde. Grâce à trente années de paix et la bonne gouvernance du cardinal de Fleury (mort en 1743), le Royaume avait redressé une économie mise à mal par la politique belliqueuse de Louis XIV et, avec ses 25 millions d’habitants, elle affichait le taux démographique le plus élevé d’Europe. Au final, si une guerre pouvait être envisagée (mais non souhaitée, Louis XV était un pacifiste- à défaut d’être un pacifique), l’éventualité d’une défaite n’effleurait aucun esprit. Les deux premières années de conflit, riche en victoires, tendirent d’ailleurs à donner raison au roi Très-Chrétien.

Plusieurs siècles de batailles rangées

Ceci étant dit, revenons au moment où les plumes autrichiennes et françaises appliquent leurs griffes au pied du traité. Rapidement, une expression de stupéfaction générale se répandit dans les royaumes de France et de Navarre. En ce milieu du 18ème siècle, la découverte d’un terrain d’entente entre ces deux puissances catholiques aurait pu occasionner au sein des populations françaises et autrichiennes des manifestations de joie et d’allégresse mais, en réalité, la signature de ce traité d’alliance fut très mal vécue. |l faut dire que le royaume de France et le Saint Empire Germanique se livraient une lutte féroce, souvent ouverte et sanglante, depuis le règne des Valois. Et l’on n’efface pas si facilement plusieurs siècles de batailles rangées, de complots et de coups tordus. Conditionnés par une éducation qui identifiait les Habsbourg comme une bande de crapules et de sots, les Français étaient de farouches austrophobes et beaucoup ne comprenaient pas le geste du petit- fils de Louis XIV. D’autant plus que, ce faisant, Louis XV leur attirait l’inimitié du roi de Prusse, Frédéric le Grand, ce vieil ami de la France. Les mots “déshonneur”’ et “trahison’”’ circulèrent même, à voix basse, dans les couloirs de Versailles, les tavernes et les casernes.

 »Une affaire de Cour et de femmes »

Les plus farouches opposants, et les moins honnêtes, crièrent au scandale, tentèrent d’abaisser l’autorité de Louis XV en déclarant que la signature de ce traité n’était que le fruit d’un caprice de la Pompadour, cette ‘’entremetteuse”’ qui s’était laissé séduire par les promesses de Kaunitz, l’âme damnée de cette ‘’vache’’ de Marie-Thérèse. Ces rumeurs étaient entretenues par une partie de la noblesse prussophile, comme le comte d’Argenson, secrétaire d’état à la guerre et mémorialiste, qui détestait cordialement les Autrichiens. C’est lui qui, avec mépris, qualifia ce traité ’’d’affaire de Cour et de femmes”’. Ces médisances eurent d’autant plus d’effet sur l’opinion qu’en 1756, Louis XV n’était plus ce ’’bien- aimé”’ chéri par la Cour et le peuple de Paris, ni le vainqueur de Fontenoy. On lui reprochait son détachement des affaires de l’Etat et ses infidélités matrimoniales. Cependant, quand l’on se penche aujourd’hui plus précisément sur le sujet, quand l’on analyse tous les documents de l’époque, quand l’on élargit son étude au-delà de la simple signature de cet acte important de la guerre de 7 ans, l’on prend vite conscience que ces propos étaient aussi arbitraires que diffamatoires. Aujourd’hui, on parlerait de ‘’fake news”’. Pourtant, comme il en est pour le mythe de la guerre en dentelles, c’est cette interprétation calomnieuse qui a traversé les siècles pour arriver dans nos manuels scolaires. Pour des millions de petites têtes blondes, le traité de Versailles vit un roi mérovingien libidineux manipulé par sa favorite et roulé dans la farine par le parti autrichien. Tout cela mérite modération. Même si l’on peut discuter de la justesse de son choix, Louis XV avait ses raisons.

Deux épines dans le pied de Marie-Thérèse

Par contre, il était normal que le geste ait surpris le non averti. Avant la signature de ce traité qui brouilla les cartes du jeu de la diplomatie européenne, les choses étaient très claires, avec la présence de deux blocs bien distincts, auquel il faut ajouter un trublion, dont je parlerai plus loin. D’un côté, la France et ses nations courtisanes. Parmi les alliés français, le plus intéressant pour Versailles était sans aucun doute la Prusse, cette jeune et turbulente nation qui avait réussi à s’emparer de la Silésie, une riche région jadis propriété de l’Autriche. La Prusse et les Hohenzollern étaient deux épines dans le pied de Marie-Thérèse. Ils obligeaient la reine-impératrice et son époux, l’empereur François 1er, à consacrer leurs efforts à la défense de leur frontière orientale, négligeant les Pays-Bas Autrichiens, qui avait une frontière commune avec la France. Il est évident que les ambitions des rois de Prusse ne pouvaient que réjouir la France, laquelle s’employait donc à les protéger militairement (ce qui fut fait à l’occasion de la guerre de succession d’Autriche} ou diplomatiquement (de gros efforts, parfois vains, en direction de la Russie et de la Suède). Petit souci, cependant. Si Frédéric le Grand était un grand admirateur de Louis XIV, ce despote éclairé ne témoignait que peu de considération envers son petit- fils. Et dans l’esprit des Hohenzollern, ne méritaient le respect et la fidélité que ceux qui étaient craints.

Un équilibre empli d’hypocrisie et de méfiance

Tête de gondole de l’autre bloc : l’Autriche. Depuis le début du siècle, l’archiduché était victime d’une série de désillusions. Le puissant empire bâti par Charles Quint était désormais un lointain souvenir. Avec la perte de l’Espagne en 1701, au profit de ces satanés Bourbons, la Haute et la Basse Autriche restaient les seules, avec la Hongrie,  grandes possessions des Habsbourg. Mais Marie-Thérèse avait encore de solides atouts dans sa manche. La Cour de Vienne bénéficiait toujours du soutien de la multitude d’états et d’électorats allemands qui composait le Saint Empire Germanique (à l’exception de la Bavière, pour des raisons purement dynastiques). Elle était soutenue également par les petites puissances qui craignaient l’ingérence française, comme les Provinces Unies, et, enfin, idéologiquement, elle incarnait devant Rome le symbole de la lutte du christianisme contre l’invasion ottomane. Finalement, entre ces deux puissances influentes, mais épuisées par les guerres, un équilibre, empli d’hypocrisie et de méfiance, avait été trouvé. Et sans l’existence d’une ile remplie d’empêcheurs de tourner en rond, rien ne se serait peut-être passé.

Protéger le Hanovre!

Le trublion, c’était l’Angleterre. La perfide Albion. Le ‘’meilleur ennemi’’ de la France. Pourtant, depuis la fin de la guerre de Succession d’Espagne, principalement grâce aux efforts des gouvernements de Fleury et de Walpole, les deux royaumes avaient mis leurs différents médiévaux sous le tapis de la sagesse et une sorte d’entente cordiale avait été trouvée. On s’était même mis à échanger politesses et compliments. Néanmoins, depuis 1730, les relations s’étaient dégradées. Un ensemble de divergence d’intérêts, à la fois politiques (comme le soutien du roi de France aux prétendants Stuart pour le trône de Grande-Bretagne) et territoriaux (colonisation de l’Amérique du Nord et du Canada) les éloignaient de nouveau. En 1740, les chamailleries d’ambassades cédèrent la place aux batailles rangées de la guerre de Succession d’Autriche. Une guerre remportée par la France, non sans mal, mais qui, finalement, éclaira George II sur ses propres points faibles mais aussi ceux de son ennemi.

George II avait pris conscience que sur le terrain européen, la Grande-Bretagne ne pouvait entretenir un long conflit sans dommage. Hors, George II restait fortement attaché à son domaine du Hanovre, qu’il avait failli perdre durant la guerre de Succession d’Autriche. Non seulement parce que c’était son pays d’origine mais aussi parce que cela lui permettait d’agir sur la politique du Saint Empire en sa qualité d’Electeur. A cela faut-il rajouter que le Hanovre était la place marchande britannique sur le continent. Il lui fallait donc impérativement conserver le Hanovre !  Et pour cela, il lui fallait trouver des alliés. Des alliés suffisamment solides et motivés pour protéger sa possession allemande, mais aussi pour monopoliser l’attention de la France, permettant ainsi la Grande-Bretagne d’investir librement dans son expansion coloniale en Amériques du Nord et aux Indes.

Un acte indigne et déshonorant

Pour trouver une logique à la signature de ce traité, il faut remonter à l’année 1754 et se rendre de l’autre côté de l’Atlantique, dans les régions sauvages de l’Amérique du Nord. Dans ces terres à conquérir, Français et Britanniques étaient depuis longtemps en compétition. De temps en temps, on donnait du mousquet, histoire de marquer son territoire. On tentait de dresser les tribus indiennes contre son adversaire. Parfois, il y avait des morts. Mais pas de quoi alarmer les cours européennes. On était dans le registre de la ‘’concurrence virile, au cœur d’une terre sans règle’’.  Mais tout bascula en mai 1754, lorsque le capitaine de Jumonville, accompagné d’une trentaine de soldats, quitta le fort Duquesne pour aller à la rencontre d’une colonne de miliciens virginiens commandée par un certain lieutenant-colonel George Washington. La mission de Jumonville était d’ouvrir une discussion avec les Britanniques, et d’affirmer, par sa présence, l’autorité de la Couronne de France sur ce territoire. Sur ce qui se passa ensuite, les versions divergent mais elles s’accordent toutes à dire que, sans sommation, les Anglais et leurs alliés Iroquois rompirent les pourparlers et massacrèrent les Français. Quand Versailles prit connaissance de l’incident, la stupéfaction céda rapidement la place à l’indignation puis à la colère. Bien que les relations entre les deux pays fussent tendues aux colonies, ils n’étaient pas en guerre. L’acte fut jugé comme indigne et déshonorant – et peu importe que le déclencheur du massacre soit Washington ou le demi-roi Tanaghrisson. Louis XV se devait de réagir. Deux ans avant l’Europe, la guerre de sept ans débutait dans le Nouveau Monde.

La première onde de choc vint de Russie

Le passage de l’état de combats d’escarmouche à celui d’affrontements sanglants entre Franco-Indiens et Britanniques dans les régions sauvages, les colonies britanniques, la Nouvelle-Ecosse (ex-Acadie) et le Canada, agita les cours européennes. La marine française, Louis XV en était bien conscient, n’avait pas les moyens de lutter contre la Navy. Contre les 90 vaisseaux de ligne Britanniques, la France pouvait laborieusement en aligner une trentaine, et encore, beaucoup n’étaient pas en mesure de prendre la mer. Il fallait donc faire ruser et confiance au Canada pour résister à la pression britannique (en s’appuyant sur les autochtones) et mettre la pression sur la Grande-Bretagne en Europe, en envisageant une offensive sur le Hanovre dans le cas où la situation se dégraderait (ne pas oublier que les deux nations n’étaient pas encore officiellement en guerre). Sous la gouvernance éclairée de Vaudreuil, la première condition semblait se remplir avec bonheur. La défaite de fort Necessity, la destruction de la colonne Braddock ; au bord des Grands Lacs, les Britanniques accumulaient les revers. Ils ripostèrent par la piraterie, leurs navires arraisonnant frégates et navires de commerce français,  ce qui eut pour conséquence de couper le Canada d’un ravitaillement précieux. Bien que puissante, la France se devait de trouver un ou plusieurs partenaires et la Prusse semblait être l’allié naturel. Mais, suite à une série de rebondissements diplomatiques, tout ne se passa pas comme prévu. La première onde de choc vint de Russie.

La convention d’Amsterdam

Depuis 1717 et la convention de La Haye, Français, Hollandais et Britanniques vivaient dans un semblant d’entente cordiale. Impliqués dans la Grande Guerre du Nord, présents dans le camp Suédois, les deux derniers n’avaient cependant pas rangé leurs fifres et leurs tambours. Les Britanniques agissaient par l’intermédiaire des troupes du Hanovre, dès l’ouverture du conflit, et l’engagement de sa flotte en 1719. Les Provinces-Unies, par leur marine, contribuaient à protéger la Suède dans la Baltique. La France de la Régence était restée l’écart du conflit mais, la même année, Pierre 1er mettait Versailles dans l’embarras en lui proposant un rapprochement. Difficile d’accepter sans troubler le roi George. La proposition était cependant trop alléchante ; la Suède était sur le point d’être anéantie, la Russie se hissait au rang des grandes puissances et pouvait leur être utile dans leur lutte d’influence contre l’Autriche. Aussi, le 15 aout 1717, Français, Russes et Prussiens signaient la convention d’Amsterdam. Quatre ans plus tard, Pierre 1er sortait vainqueur de la guerre, la Suède était à genoux, et la France était mandée à Saint-Pétersbourg afin d’aider à la conciliation des deux partis. La nouvelle causa un grand émoi à Londres. Au sein du gouvernement whig, régnait l’inquiétude et la consternation. La Grande-Bretagne se retrouvait diplomatiquement isolée.

A partir de cette date, la Grande-Bretagne initia une politique de séduction envers la Russie. Les événements qui suivirent allaient les aider dans leur cause. Tout d’abord, il y eut l’engagement, en 1733, de la France au coté de Stanislas Leczinski dans la guerre de Succession de Pologne avec l’envoi d’une flotte française dans la Baltique.  Cela déplut fortement à la tsarine Anne, partisane d’Auguste II. Ensuite, quand la Russie se lança avec l’Autriche dans une guerre contre la Turquie en 1737, l’ingérence de la France et son soutien à la Porte passa très mal du côté de Saint-Pétersbourg, d’autant plus que cela entraîna le retrait de la guerre d’une Autriche menacée par la Prusse, et l’échec de la campagne russe. En réponse, le 3 avril 1741, les cabinets russe et britannique signaient une convention d’alliance. Un traité affirmé un an plus tard, par le gouvernement de la tsarine Elisabeth, fille de Pierre 1er, qui craignait et détestait ‘’le mauvais prince’’ Frédéric II.

La convention de Westminster

Au début des années 1750 avec, d’une part, la Grande-Bretagne attachée à la Russie et partageant les mêmes intérêts que l’Autriche et d’autre part, la France acoquinée à la Prusse, la situation paraissait claire. Mais dans ce grand ballet qu’était le jeu diplomatique européen du 18ème siècle, rien n’était jamais définitivement établi. Cela allait se vérifier une nouvelle fois. Dans son palais de Sans-Souci, le roi de Prusse ruminait. Pris dans un étau austro-russe, il voyait contrariées ses ambitions territoriales. Dans son esprit, la situation ne pouvait rester en l’état. Il savait que depuis peu, l’Autriche, par l’intermédiaire de son ambassadeur Kaunitz, essayait de nouer des liens d’intérêt avec la France. Cela, ajouté à son mépris envers Louis XV, l’encourageait à changer son fusil d’épaule. Il décida alors de se rapprocher de son oncle, George II. Pas simple. Le roi de Grande-Bretagne n’aimait pas Frédéric II, il lui reprochait d’avoir des ambitions sur le Hanovre (ce qui n’était pas totalement faux) et considérait les Hollenzolern comme des parvenus et des paysans. Menées avec une grande retenue par Philippe-Charlotte de Brunswick (l’aimable sœur de Frédéric, que le roi George appréciait grandement) et l’habile Abraham Michel,  les négociations furent donc très difficiles. Mais, petit à petit, Whitehall s’adoucit devant les propositions matrimoniales de Brunswick et la promesse de Frédéric II d’oublier ses prétentions sur le Hanovre. Le 16 janvier 1756, à Londres, était signé l’improbable convention de neutralité entre la Grande-Bretagne et la Prusse.

Prêter une oreille aux prétentions autrichiennes

Il est facile d’imaginer les réactions à la Cour de Versailles ! Les différents partis s’accusaient mutuellement d’être les responsables de cette catastrophe, mais les reproches allaient surtout vers Rouillé, le ministre des affaires étrangères. Il est vrai que, se sentant en position de force, il ne s’était pas pressé pour renouveler l’alliance franco-prussienne. En effet, le duc de Nivernais, le plénipotentiaire français désigné par Rouillé pour remplir cette mission en aout 1755 ne prit la route de Postdam qu’en décembre. Et pendant ce temps, à Whitehall, on bossait dur… Louis XV, se voyant lâché par la Prusse, engagé dans une ‘’drôle de paix’’ avec la Grande-Bretagne, concédait alors de prêter attention aux propositions autrichiennes.  Depuis plusieurs mois, à l’initiative de Marie-Thérèse, Starhemberg, l’envoyé de Vienne, était en pourparlers avec les représentants du roi Très-Chrétien, Rouillé et Bernis. Il succédait à Kaunitz présent à Paris depuis octobre 1750 et rentré à Vienne en 1753 pour y endosser le rôle de premier ministre. Il n’obtenait jusqu’alors que peu de résultat, même si Louis XV se sentait flatté par cette approche et y répondait par une grande politesse.

En septembre 1755, Starhemberg reprit l’offensive, avec des nouvelles propositions (le mémoire d’aout 1755). Chez La Pompadour (au château de Bellevue) eut lieu une rencontre secrète entre Starhemberg et Bernis. Le plénipotentiaire français fut heureux d’entendre que Vienne désapprouvait les actions britanniques. Marie-Thérèse les jugeait déshonorantes et injustes. En plus de cela, les propositions autrichiennes étaient intéressantes. Les plus séduisantes étaient de donner le Luxembourg à don Philippe, gendre de Louis XV, et de former une alliance défensive contre le bloc des nations protestantes.  Mais les deux partis n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur le cas prussien. Vienne demandait en effet à la France de renoncer à son alliance avec Frédéric II, en argumentant que ce dernier était actuellement en pourparler avec l’Angleterre (ce qui était vrai, bien entendu). Aux yeux de Louis XV, cela ne pouvait être possible. Question d’honneur.

Le traité de Versailles

La signature de la convention de Westminster entre Postdam et Londres libéra Louis XV de ses obligations envers le roi de Prusse. Il se dit qu’à Vienne Kaunitz sauta de joie quand il apprit la nouvelle, début février. Quelques jours plus tôt, à Versailles, le Conseil du roi s’était réuni en urgence, avec un Louis XV fortement blessé par l’attitude du roi de Prusse. Devant la froide détermination du roi Très-Chrétien, les nombreux conseillers austrophobes n’osèrent pas argumenter, et il fut décidé de reprendre les pourparlers avec l’Autriche. Travailler sur un traité en partant du mémoire d’aout 1755 n’était pas une chose aisée, car de nombreux éléments allaient à l’encontre de l’état d’esprit de l’époque et chamboulait l’ordre des choses. Pour la France, s’éloigner de la Prusse, ce vieil allié, était dur à accepter. Pour Vienne, renoncer au soutien de la Grande-Bretagne, qui avait tant aidé les Habsbourg par le passé, n’était pas une chose plus facile. Il ne faut pas croire que les décisions de Louis XV et de Marie-Thérèse furent le résultat d’une saute d’humeur. Bien au contraire, les négociations durèrent quatre mois. Le 1er mai, Starhemberg, pour l’Autriche, et Bernis et Rouillé, pour la France, signaient les droits documents du traité de Versailles. Avec le premier document, Vienne s’engageait à ne pas intervenir dans le conflit franco-anglais, en échange, la France garantissait l’intégrité des Pays-Bas Autrichiens. Le second document était un pacte de défense mutuel, par l’envoi de subsides ou d’un corps d’armée de 24,000 hommes. Le troisième document était secret. Il s’agissait d’un accord d’intervention pour défendre leurs territoires respectifs. Dans le cas où une nation envahirait le territoire d’un signataire, l’autre parti s’engageait à intervenir militairement contre ledit envahisseur.

Un renversement d’alliance, initié par la Prusse, se produisait.

Le 17 mai, la Grande-Bretagne déclarait la guerre à la France.

Le 9 juin, la France déclarait la guerre à la Grande-Bretagne.

Le 29 aout, Frédéric II envahissait la Saxe, initiant la généralisation du conflit.

La ‘’première guerre mondiale’’ débutait. Elle allait durer sept longues années et faire plus d’un million de morts.