Alors que je vous parlais il y a quelques jours de la prochaine diffusion sur Arte d’une série de docu-fiction ayant pour thème la guerre de trente ans, dans le même temps, l’excellent magazine Guerres & Histoire annonçait que le même sujet serait à l’honneur dans leur numéro d’octobre 2018. Dire que je me plaignais tantôt du peu de crédit qui était accordé à l’un des plus grands conflits européens, et voilà que le même mois, deux médias, et pas les moindres, contredisaient mes propos ! Bon, je ne vais pas m’en plaindre.
En attendant de visionner le programme Arte, jetons un œil sur ce que nous propose la rédaction de Guerres & Histoire. Comme d’habitude, le dossier occupe une grande partie de la pagination de ce magazine de 98 pages. Comme le laisse entendre le titre « La Guerre de Trente Ans : 7 clés pour comprendre », le dossier est composé de sept articles – analyses et entretiens — qui visent à éclairer le profane sur les différents aspects de cette longue et douloureuse guerre. Le seul intervenant étranger à la rédaction est le britannique Geoff Mortimer. Questionné par Pierre Grumberg, il nous offre sa vision sur les origines du conflit, de manière précise et compréhensible, et assez conventionnelle.
A travers un article bien construit, Fadi El Hage, que les lecteurs de G&H connaissent bien, parvient, en seulement six pages, à nous délivrer le déroulement chronologique des événements, en les regroupant par période. Evidemment, l’exhaustivité n’est pas de rigueur, mais le texte couvre de manière très équilibré les différentes phases de cette guerre et donne envie au lecteur d’en découvrir plus. Ce qui est un peu le but premier de la presse de vulgarisation, non ? A noter la présence d’une magnifique carte illustrant le théâtre d’opération, qui aide grandement à la compréhension. Dans un autre article, Fadi El Hage, se penche sur les changements et évolutions opérés dans le domaine militaire durant cette première moitié du XVIème siècle, avec notamment l’augmentation de l’usage de cavalerie légère et de l’artillerie légère, ainsi que l’abandon progressif de la pique au profit du mousquet, de plus en plus performant et fiable. Enfin, Fadi El Hage clôt le dossier en se penchant sur l’impact de ce conflit sur les populations d’Allemagne et d’Europe centrale, des conséquences aux allures de catastrophe humanitaire.
Interrogé par Jean Lopez, Laurent Henninger nous parle de la Suède, qui joua un grand rôle dans le conflit, notamment par les exploits de son roi Gustave Adolphe. Il nous explique comment est née dans l’esprit du monarque la vision, totalement novatrice à l’époque, de ce que devrait être une armée performante. Une armée qui compensait la modestie de ses effectifs par un grand professionnalisme (bien qu’il s’agisse de conscrits), un équipement moderne et une relecture tactique. Laurent Henninger nous en donne un exemple à travers l’étude rapide de la bataille de Breitenfeld. Très instructif.
Mais Gustave Adolphe ne fut pas le seul grand général de l’époque. En effet, si Laurent Henninger nous parle du roi de Suède, Jean Lopez a choisi, lui, le célèbre Wallenstein, qui était à la solde des Habsbourg. Il est vrai que ce personnage haut en couleur a tant marqué la première moitié de la guerre de trente ans qu’il aurait anormal de ne pas en parler. D’autant plus qu’il se pose comme une représentation parfaite de ces généraux-mercenaires que l’on pouvait rencontrer sur les champs de bataille du XVIIème siècle. Au final, en couvrant de manière générale les différents aspects qui font le particularisme de la guerre de trente ans, ce dossier remplit parfaitement son office – celui de redonner ses lettres de noblesse à ce conflit injustement oublié.
Egalement au sommaire de Guerres & Histoire ; une interview très intéressante d’un ancien soviétique ayant servi dans l’encadrement de la MLPA en Angola de 1986 à 1988. Dans la rubrique Chasse aux mythes, Frédéric Bey nous propose un article qui vise à remettre à leurs justes places les deux sacs de Rome de 410 et 455, la ville, réduite au rang de symbole, ayant perdue depuis longtemps son rayonnement politique. Benoist Bihan, dans la rubrique Aux armes, nous invite à se rendre au début du XXème pour assister à un comparatif de style A vs B entre deux cuirassés de l’époque ; le russe Borodino et le japonais (de conception britannique) Mikasa. Deux stars de la guerre russo-japonaise (le Borodino coula à Tsushima en 1905) mis en compétition. A coté de cela, Benoist Bihan, toujours lui, dans l’article La bataille oubliée, nous parle aussi de la bataille de Rabaul, qui tourna en un véritable désastre pour les Japonais qui, en perdant l’île, perdirent également une grande partie de leur aviation et, pire encore, la clé des îles Salomon.
Antinarco, des guerres d’un nouveau genre, est un article de Thierry Noël qui amène un peu de diversité dans le sommaire du magazine. Flirtant sur la mode actuelle — on ne compte plus le nombre de séries, de documentaires et de films qui traitent du sujet — Thierry Noël nous offre, par le biais d’un article ‘’questions-réponses”’ une vue d’ensemble sur cette guerre que se livrent les Narcos (formées en véritables armées privées) et les polices colombiennes, péruviennes, afghanes ou mexicaines.
Enfin, notez que la rubrique Caméra au Poing est consacrée ce mois-ci au camp de Bragg, camp d’entrainement des troupes américaines en 14-18 et en 39-45, Avec un lot de photos étonnantes ! Et bien sûr, toutes les rubriques habituelles, du courrier des lecteurs au toujours croustillant De cape et de croc.
GUERRES & HISTOIRE N°45 – Octobre 2018
98 pages – 5.95€