Il y a quelques mois, la parution d’un nouveau magazine consacré à l’histoire et au patrimoine de la Corse avait attiré toute mon attention. Je vous avais alors confié tout le bien que je pensais de cette initiative et du niveau qualitatif du produit fini. Je vous avais également fait part de quelques remarques concernant quelques problèmes pouvant gêner la pérennisation du magazine, avec notamment son prix trop élevé, au regard de sa faible pagination. Le numéro deux de STORIA CORSA étant désormais disponible dans les points de vente insulaires, je me suis empressé de l’acquérir, espérant y mesurer un niveau d’intérêt égal, voire supérieur, au précédent. Verdict.

Annoncé par la couverture, le dossier central est consacré à la libération de la Corse à la fin de l’été 1943. Rédigé par Sylvain Gregori, directeur du musée de Bastia, les quatre articles composent un récit assez complet, réunissant tous les aspects généraux de cette passionnante page d’Histoire, sans toutefois entrer dans les détails qui font les friandises des amateurs d’histoire militaire, comme une présentation plus approfondie des unités présentes en Corse. L’ensemble est quand même bien agréable à lire, agrémenté de belles photographies.

De son coté, l’historien Michel Vergé-Franceschi persiste dans sa démarche initiée dans le premier numéro, qui est de nous conter l’histoire des Corses de Marseille. Ici, toujours avec la même excellence de plume, il traite des périodes XVIIème et XVIIIème siècle. En lisant cet article, vous saurez tout sur les Grimaldi, les Lenchi, les Franceschi et les Napoleoni, ces familles d’origine cap corsine exilées qui firent fortune dans le commerce avec la Barbarie et les îles à sucre, pour acquérir titres de noblesse, puissance politique et notoriété civile.

Dans le registre sociétal, Didier Rey nous propose un exercice très intéressant en démontrant que “l’objet” Sporting Club de Bastia peut servir d’échantillon pour mesurer la nature des relations entre les Corses et la France. Pour ce faire, il a choisi quatre dates majeures dans l’histoire du club, mesuré la température insulaire à ce moment donné, et croisé les données pour en tirer quelques enseignements propices à réflexions. Et, dans le même temps, le lecteur joint l’utile à l’agréable en redécouvrant la belle histoire du S(E)CB.

Amis ajacciens, vous connaissez surement la caserne Grossetti, et vous n’avez surement pas manqué de voir la statue en bronze du général offerte à la ville d’Ajaccio par la Belgique et la ville de Paris. Mais connaissez-vous son histoire ? Sa magnifique carrière et ses exploits de chef militaire ? Non ? Pas de problème. L’historien Raphaël Lahlou se charge de vous éclairer avec un article biographique qui instructif qui rend honneur à la mémoire de ce grand homme un peu oublié. Il est cependant un peu gâché par un manque de fluidité dans sa rédaction, ce qui rend la lecture parfois laborieuse.

Ah la la !On en reparle ! L’affaire de Pascal Paoli et Catherine Il de Russie ! L’histoire d’une occasion manquée ! Comme l’a dit le général MacArthur ‘Les batailles perdues se résument en deux mots: trop tard”. Ce dicton résume un peu cet épisode de l’histoire paoliste racontée par Anne Moretti, docteure en science de l’art. Un empire russe en quête d’un port d’attache en Méditerranée, un général Corse en quête d’alliés, et, en conclusion, l’éventualité d’un rapprochement gâché par  le zèle du comte de Vaux et l’affaiblissement de la puissance Ottomane.

A travers un article très bien construit, appuyé par de superbes photos datant de 1899, Elisabeth et Sampiero Sanguinetti nous invitent à poser un regard neutre sur le château de la Punta. Une approche sincère et réaliste qui nous amène à voir en cette transposition d’un pavillon des Tuileries en pleine montagne corse bien autre chose qu’une onéreuse et inutile excentricité. Les auteurs avancent même quelques idées pour réhabiliter le monument, en lui attribuant un rôle dans l’univers culturel insulaire. Un article intéressant qui, de belle manière, plaide pour la sauvegarde de ce chef d’œuvre du patrimoine corse.

Dans la rubrique Cinéma et Littérature, Jean-Luc Messager-Alfonsi fait l’inventaire des œuvres rendant hommage au capitaine Jean L’Herminier, commandant du sous-marin Casabianca, et à son équipage. Enfin, dans la rubrique Nos musées, Sylvain Gregori nous rappelle que l’exposition Identità, les Corses et les migrations, se déroule actuellement au musée de Bastia (jusqu’au 22 décembre).

Alors, que dire de ce deuxième opus de STORIA CORSA ? Le contenu est vraiment intéressant, avec un souci de vulgarisation qui est le bienvenu, la presse spécialisée étant souvent trop élitiste. Les sujets traités sont variés et aptes à intéresser un large lectorat. La mise en page est limpide, les photographies nombreuses et de qualité. Visuellement, la qualité est au rendez-vous. Reste à effacer quelques soucis que je mettrais sur le compte de la ‘’jeunesse”. En fait, pour rendre ce magazine encore plus attrayant, je pense que la rédaction doit consacrer plus d’efforts à la relecture ; cela  permettrait d’éliminer la quasi-totalité des coquilles (trop nombreuses pour une revue pro) et de retoucher quelques passages au style trop lourd pour le lectorat visé. Et baisser le prix, bien entendu. Mais bon, je sais que, pour ce dernier aspect, de nombreux facteurs, pas toujours modulables, entrent en jeu.

Ah oui, et merci à la rédaction de citer ce modeste blog dans sa rubrique Vu sur le Net.