La situation politique dans l’Ecosse du début du XIVème siècle apparaît comme un sacré imbroglio. Le pays se trouve affaibli par des divisions au sein de la noblesse, une situation qui profite au puissant voisin anglais. Pour en trouver la cause, il faut remonter à 1286 et à la mort du roi Alexandre III. Jusqu’alors, les rois d’Ecosse et les Gardiens du Royaume avaient réussi à conserver une indépendance vis-à-vis du voisin britannique mais quand meurt prématurément le roi des suites d’une chute de cheval, la situation se dégrade. Selon sa volonté, c’est sa petite fille Marguerite (Alexandre III n’a pas eu d’enfant male survivant et sa fille Marguerite, épouse du roi de Norvège Eric Il, est morte en couche en 1383), qui doit monter sur le trône. Cela avec l’accord bienveillant du roi Edouard 1°’ d’Angleterre, ami d’Alexandre Ill, qui a comme projet de la marier avec son fils, et des Gardiens du Royaume, qui forment un collège législatif dont la fonction est d’assurer la succession, et la régence, le cas échéant (une caste dont fait partie Robert Bruce). Problème, Marguerite 1ère ne régnera jamais. Le 26 septembre 1290, alors qu’elle est en route vers l’Ecosse, la jeune norvégienne de santé fragile meurt à l’âge de sept ans, marquant ainsi l’extinction de la lignée des Dunkeld (qui règne sur |’Ecosse depuis le XIème siècle). En 1291, une commission est alors désignée pour décider de la succession au trône d’Ecosse. Les prétendants sont Jean Balliol et Robert Bruce. Tous deux sont des descendants directs du roi David 1er. C’est Jean Balliol, qui bénéficie des préférences d’Edouard 1er, qui est élu. Roi faible, Jean Balliol a du mal à freiner les ambitions et les intrigues du roi d’Angleterre. Cependant, en 1295, quand le roi d’Angleterre appelle le ban et l’arrière-ban pour livrer une guerre contre Philippe le Bel, Jean Balliol, qui possède un fief en Picardie, refuse la montre, se rallie au roi de France et envahit l’Angleterre. Mais pour le roi d’Ecosse, cela ne se passe pas comme il l’aurait souhaité. Sous la poussée des troupes anglaises, il doit retraiter vers l’Ecosse, suivi par l’armée d’Edouard 1er dont les troupes commettent des atrocités sur les populations. Le 27 avril 1296, les Ecossais sont écrasés par Edouard 1er à la bataille de Dunbar. Jean Balliol, fait prisonnier et enfermé à la tour de Londres avec son fils, doit abdiquer, et est condamné à l’exil. Débute alors l’occupation anglaise. Et la répression.

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En 1297 commence la rébellion dite de William Wallace, un gentilhomme écossais de petite noblesse. La légende veut que son premier acte de rébellion est le fruit d’une vengeance, celle de sa femme assassinée. Quoiqu’il en soit, il devient un hors-la-loi recherché par les Anglais. Ses actes spectaculaires, avec notamment la prise de Lanark (et le massacre de la garnison) inspire une jeune noblesse écossaise en quête d’honneur et de gloire. Parmi eux, Robert the Bruce le Jeune et William Douglas. Mais d’autres, plus âgés, comme le sénéchal James Stuart, voient en William Wallace l’etincelle pouvant allumer l’incendie synonyme d’insurrection générale. Tous les convaincus se réunissent alors sous la bannière au lion écarlate. Quand elle met le siège devant Dunde, cette armée écossaise éveille l’attention d’Edouard 1er, qui guerroie en France. Le roi d’Angleterre réagit promptement et envoie une armée à Stirling pour couper la ligne de repli écossaise. La bataille est désormais inévitable (11 septembre 1297). Alors que l’on pense à une victoire anglaise (malgré des effectifs assez similaires, l’armée d’Edouard bénéficie d’une cavalerie plus lourde et plus nombreuse), le combat tourne en faveur des Ecossais. En 1298, adulé comme un héros, William Wallace est accepté dans le cercle restreint des Gardiens du Royaume. Mais la joie va être de courte durée. Rentré de France (on l’imagine un brin énervé), Edouard 1°’ se lance personnellement dans une campagne contre les Ecossais révoltés. Le 12 juillet 1298, après avoir perdu les batailles de Berwick et de Roxburgh, les Ecossais sont définitivement écrasés à Falkirk. William Wallace, condamné pour crimes et trahison, est supplicié, puis décapité et découpé en morceaux, pour finalement entrer dans la légende et devenir ce personnage dramatique, à demi-mythique, si joliment traité par Mel Gibson dans Braveheart.

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Le récit de Outlaw King : le roi hors la loi, diffusé actuellement sur NetFlix, débute à ce moment précis, qui est celui de la dispersion des restes de William Wallace aux quatre coins des iles Britanniques. Le film du réalisateur écossais David MacKenzie (Comancheria) s’éloigne du traitement style ‘’poème épique’’ adopté par Mel Gibson pour nous présenter une vision plus réaliste de l’avènement de Robert the Bruce, alias Robert 1er. Robert est interprété par Chris Pine, que les trekkies connaissent bien. Presque quadragénaire, le comédien est plus vieux que ne l’était Robert the Bruce au moment des faits car en 1298, à la mort de William Wallace, le jeune fils de Robert Bruce n’est âgé que de 24 ans. Ici, la fougue de la jeunesse est remplacée par une sorte de maturité, mais MacKenzie arrive tout de même à retranscrire la force d’un homme au caractère bien trempé qui a eut le courage de se détacher de l’anglophilie adopté traditionnellement par sa famille. N’oublions pas que, durant la révolte de William Wallace, il n’est pas resté inactif, menant la guerre sur les domaines de sa mère Margaret de Carrick, mais, battu à la bataille d’Irvine, il dut faire sa soumission et fut sauvé de l’échafaud de par son statut de Gardien de Royaume et par son père, fidèle serviteur d’Edouard 1er. Oubliez donc le personnage indécis, peu courageux et opportuniste vu dans Braveheart. C’est en qualité de Gardien du Royaume qu’il co-administre une Ecosse anglaise. Il peine cependant à s’entendre avec les autres lords et chefs de clans, notamment avec John Comyn, qu’il juge trop soumis aux volontés d’Edouard. En fait, le film de MacKenzie nous montre un Robert the Bruce peut-être plus attaché à la liberté de l’Ecosse qu’il ne l’était peut-être réellement, il a également tendance à nous présenter l’Ecosse comme un pays unifié, ce qui n’était absolument pas le cas. La plupart des nobles écossais possédaient des fiefs en Angleterre (les Bruce), en France (comme les Baillol), en Irlande (le jeune frère de Robert, Edouard Bruce sera d’ailleurs roi d’Irlande en 1315), voire dans les royaumes scandinaves (les Duncan). Si l’on remet Robert dans son contexte historique, on ne peut alors négliger l’intérêt personnel dans ses actions, ce qui n’est pas présenté ici, mais, dans l’ensemble, le portrait que nous offre l’acteur Chris Pine est suffisamment équilibré pour que l’on adhère au résultat.

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Si le récit adopte quelques raccourcis et autres ellipses (l’histoire de Robert 1er, fondateur du grand royaume d’Ecosse, mériterait de se voir traiter en série télévisée), force est de dire que l’essentiel est bien là, de l’assassinat de John Comyn dans l’église de Dumfries à la bataille de Bannockburn, qui marque le retour à l’indépendance de l’Ecosse, en passant par les déconvenues de Methven et de Dail Righ — qui mettent en lumière l’absence d’une véritable appartenance identitaire au sein de la société écossaise du XlVème siècle -, le drame du château de Kildrummy et les aptitudes diplomatiques du jeune roi écossais (des passages intéressants sur les négociations avec les highlanders des clans McDonald et Comyn). L’aspect romanesque et dramatique est évidemment présent, ainsi que la fiction, mais Outlaw King peut être considéré comme un film historique, dans le sens large du terme, prenant les quelques libertés nécessaires à la construction d’un récit lisible et non rébarbatif.

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Pour ce qui est de la réalisation, et malgré un budget modeste, on est devant le fruit d’un travail consciencieux. Sur les réseaux sociaux, j’ai lu quelques avis, ici et là, qui ne partageaient pas mon opinion. Certes, MacKenzie ne s’est pas risqué pas à faire dans l’innovation et l’expérimental, Outlaw King respecte à la lettre les codes de la fresque historique ‘’post Games of Thrones’’, le spectateur n’est jamais surpris, et encore moins cloué sur son canapé. Mais, au final, le résultat est élégant et visuellement agréable. Les batailles, clous du métrage, sont courtes mais plutôt spectaculaires. Ainsi, Bannockburn, qui s’est déroulé sur deux jours, est réduit ici en un affrontement bref et violent. Diluer le budget dans des scènes plus longues aurait peut-être entrainé une perte d’efficacité. Pour l’aspect  » reconstition historique », c’est vraiment convaincant. Oubliés ici les décors, les costumes et les maquillages fantasques de Braveheart, on se retrouve devant un film médiéval au rendu moins saisissant mais plus réaliste. Enfin , coté interprétation, l’ensemble du casting est convaincant, et les rôles plutôt bien dessinés (même si j’aime à penser qu’Elisabeth de Burgh était moins « fleur bleue » qu’elle ne l’est dans le film). A noter un portrait de James Douglas, dit Douglas le Noir (Aaron Taylor-Johnson), un peu caricatural, et qui évoque celui tracé pour son père William par Mel Gibson dans Braveheart. Celui d’Edouard II ( Billy Howle) est également un brin salé (mais moins excessif que dans Braveheart)

A voir, donc, si la période vous intéresse.

Ma cote : 3/5

OUTLAW KING : LE ROI HORS LA LOI (GB/USA 2018)
Titre original : Outlaw King
Réalisation : David MacKenzie
Scénario : Bathsheba Doran, David MacKenzie, James McInnes
Musique : Barry Burns
Avec : Chris Pine (Robert the Bruce), Stephen Dillane (Edouard 1er), Billy Howle (Edouard II), Paul Blair (William Lamberton, évêque de St Andrews), Callan Mulvey (John III Comyn), Tony Curran (Angus Og McDonald), James Cosmo (Robert Bruce), Alastair MacKenzie (le comte d’Atholl), Aaron Taylor-Johnson (James Douglas), Rebecca Robin (Margaret d’Angleterre), Johnny Phillips (Richard de Burgh, comte d’Ulster), Florence Pugh (Elizabeth de Burgh)
121 minutes.