Problèmes de voisinage
En 1748, après huit longues et douloureuses années, la guerre de succession d’Autriche prenait fin avec la signature du traité d’Aix la Chapelle. Cette paix était plus la manifestation d’un souhait partagé ; celui de mettre un terme à cet épuisant et ruineux conflit, qu’un véritable désir de conciliation entre les nations. Dans ces conditions, les soldats, de retour de campagne, ramenaient dans leurs havresacs un lot d’insatisfactions et de frustrations ; et un fort sentiment d’amertume. Les habitants des treize provinces britanniques des Amériques comptaient parmi les mécontents. Les accords signés entre la France et la Grande-Bretagne les avaient effectivement mis dans une situation très inconfortable. Leurs populations, sans cesse croissantes, et qui, au total, atteignaient vers 1750 plus d’un million et demi de colons, se retrouvaient confinées dans un espace réduit, une étroite bande de terre coincée entre l’océan à l’est et les possessions françaises à l’ouest – les Appalaches formant une sorte de frontière naturelle avec la vallée de l’Ohio. Si les Provinciaux voyaient donc l’extension vers l’ouest comme la seule solution possible pour résoudre leur problème de surpopulation, ils n’avaient cependant en commun que ce souhait, qui pouvait être ajouté à leur aversion envers les Canadiens et leur méfiance envers les décideurs de Whitehall. Divisées par les rivalités commerciales et territoriales, séparées par leurs préférences idéologiques et religieuses, les colonies se perdaient en chamailleries, faisant passer au second plan les intérêts communs. Chaque tentative arbitrée par un plénipotentiaire royal, qui visait à trouver un terrain d’entente, tournait en un tohubohu improductif, chaque gouverneur accusant son voisin de mauvaise foi. Au final, chacun repartait de son côté avec un sentiment de frustration renforcé.
Louis XV, de son côté, aurait pu (si elle avait existé) regarder la carte de sa colonie américaine avec satisfaction. Si la critique l’avait accusé d’avoir fait la ‘’guerre pour le roi de Prusse » et d’avoir été trop généreux dans la victoire, le traité d’Aix la Chapelle lui avait permis de récupérer tous les territoires américains perdus durant le conflit. En 1750, la Nouvelle-France était une province immense qui s’étendait de l’île Saint Louis et de l’embouchure du Saint-Laurent jusqu’à la Louisiane, sur les rives du golfe du Mexique. Cela sans interruption ; forts, comptoirs commerciaux et missions établis sur les rives de l’Ohio et du Mississipi assuraient la jonction entre les postes des Lacs et ceux fondés dans le sud. Cette belle immensité masquait toutefois un problème : une sous-population chronique. Contrairement aux Britanniques, le Roi et son Conseil empêchaient les factieux et les indésirables (en d’autres termes, les Huguenots et autres hérétiques) d’émigrer vers le Nouveau-Monde. Cela aurait pourtant eu pour effet de vider le territoire de ces éléments perturbateurs et de compenser le manque de motivation des citoyens catholiques qui regardaient cette terre lointaine et inhospitalière avec circonspection, voire mépris (les fameux « quelques arpents de neige » de Voltaire…). Aussi, vers la moitié du XVIIIème siècle, la population de la Nouvelle-France s’élevait à un peu plus de 80,000 âmes, les deux-tiers étant établis au Canada. En 1750, la population de Philadelphie dépassait les 30,000 habitants alors que le recensement de 1748 de Québec annonçait 4,500 habitants et que la population totale de la Louisiane ne dépassait pas les 6,000 colons. Pour le dernier cas cité, il faut dire que les conditions de vie à l’embouchure d’un Mississipi étaient difficiles.

La région était insalubre et sujette aux ouragans (la Nouvelle-Orléans a été détruite 3 fois entre 1700 et 1750) et aux attaques des indiens Natchez. Par contre, bien que non formalisée, ce « tri sélectif » eut deux conséquence positives. Tout d’abord, le migrant français était rare mais volontaire. Un colon dur à cuire, fier, foncièrement ancré dans ses convictions, un catholique orthodoxe qui amenait avec lui l’esprit français. La Nouvelle-France faisait partie du royaume, elle était bien plus qu’une colonie. Le gouverneur et l’Intendant étaient nommés par le roi de France, et la cour de Québec était une sorte de Versailles miniature. L’Eglise y avait la même influence qu’au fin fond du Poitou. A côté de cela, la noblesse établie aux Amériques n’avait pas versé dans la mollesse qui touchait celle des cours européennes et la paysannerie était à la fois respectueuse des codes sociaux et soucieuse des terres qui lui étaient confiées. Puis, deuxième aspect important: les Canadiens et les autres colons, trop peu nombreux, durent se rapprocher des populations indigènes, et cela dès la fondation de la colonie, au début du XVIIème siècle. Ce rapprochement se faisait par les trappeurs, ces fameux coureurs de bois, qui épousaient souvent des autochtones (principalement en raison du manque de femmes dans les colonies) mais aussi par évangélisation, les missionnaires français étant nombreux à parcourir les zones sauvages pour convertir les tribus… et s’attirer leur sympathie. Cela se faisait non sans un certain succès car, vers 1750, la plupart des tribus de l’Ohio et des Grands Lacs se considéraient comme les amis du « Grand Père Français ».

Vers le milieu du XVIIIème siècle, de par leurs divisions, les colonies britanniques ne parvenaient pas à tirer profit de la faible démographie de la Nouvelle-France. Bien au contraire, c’est les Français qui exerçaient une pression sur la frontière en excitant leurs alliés indigènes qui voyaient d’un mauvais œil l’arrivée massive de familles britanniques. L’objectif des Français était double ; freiner l’extension venue de Pennsylvanie ou de Virginie mais, aussi, mettre à mal le négoce britannique des peaux, qui faisait concurrence au leur. Rassemblés dans des missions fortifiées (les futurs villes de La Présentation, Lorette ou Saint-François, pour ne citer que les plus connues) pour éviter qu’ils subissent l’influence des agents et des négociants britanniques, les indigènes des tribus Abénakis, Outaouais, Delawares, Mingos et autres clans de la vallée de l’Ohio et des Lacs, excités par l’alcool, les présents des Français et les prêches de missionnaires charismatiques comme l’abbé Picquet, voyaient dans l’Anglais l’ennemi à abattre et dans leurs femmes de futures esclaves. Les raids se multipliaient le long de la Frontière, semant la terreur parmi les colons. Certaines expéditions indigènes (parfois encadrées par des officiers français ou des coureurs de bois) s’enfonçaient même profondément dans les territoires des treize colonies et, amplifiaient le sentiment d’insécurité. Rares étaient les tribus qui restaient fidèles à leur amitié envers les Britanniques. Parmi elles, on trouvait cependant les Cinq Nations lroquoises (Tuscaroras, Sénécas, Onnéiouts, Cayugas, Agniers (appelés Mohawks par les Anglais).

L’affaire Jumonville
La politique française changeait radicalement avec la nomination de Michel-Ange Duquesne de Menneville au poste de gouverneur, en remplacement de Charles Le Moyne qui assurait l’intérim depuis le décès du marquis de La Jonquière, survenu le 17 mars 1752. Ce cinquantenaire énergique, fils du grand Abraham Duquesne (amiral sous Louis XIV), marin comme lui, privilégiait le principe de la défense agressive. Jusqu’alors, les Français avaient hésité à intervenir officiellement contre les intérêts britanniques et ils jouaient essentiellement un rôle d’agitateur auprès des tribus alliées. Mais à la fin de l’année 1753, Duquesne ordonnait la construction des forts Presqu’île et Leboeuf le long du lac Erié, rapidement investis par des troupes de milices et des compagnies franches de la Marine. La délégation britannique de George Washington, envoyée au-devant d’eux pour en savoir plus sur les intentions françaises, reçut un bon accueil mais n’obtint aucune réponse satisfaisante. De toute évidence, les Français avaient changé de méthode. Le retour compliqué des Britanniques, harcelés par les guerriers des tribus algonquiennes, ajoutait un degré à leur niveau d’inquiétude. Et les mois qui suivirent cet épisode virent les relations franco-britanniques se dégrader, jusqu’à atteindre un point de rupture, qui se produisit avec la mort de Jumonville.

« L’affaire Jumonville » tire son origine de l’initiative du gouverneur de Virginie, Robert Dinwiddie, d’établir un fort, au début de l’année 1754, dans la vallée de l’Ohio, sur un territoire revendiqué par la France. De Québec, Duquesne réagissait prestement en envoyant sur place une imposante force de compagnies franches et de miliciens (plus de 500 hommes) pour les en déloger. Cela se fit sans peine et en place et lieu du fort britannique, les Canadiens bâtissaient l’imposant fort Duquesne, symbole de la puissance française (sur l’actuel site de Pittsburgh). Le fameux incident eut lieu quelques mois plus tard. Le 23 mai 1754, le commandant de fort Duquesne, Claude-Pierre Pécaudy de Contrecoeur qui avait reçu de Québec l’ordre formel de ne pas engager de combat avec les Britanniques, envoyait une petite délégation à la rencontre d’un contingent de miliciens et de natifs commandé par George Washington. Mais, le 27 mai, ce qui ne devait être qu’une négociation tourna en un massacre alors que les Français tombaient dans une embuscade. Dix soldats français étaient tués, certains dans leur sommeil, et leur chef, Joseph Coulon de Villiers de Jumonville était purement et simplement assassiné alors qu’il tentait de négocier (il aurait été tué d’un coup .de haché asséné par le chef iroquois Tanaghrisson). Cette affaire, qui fit scandale en Europe, mit le feu aux poudres. Deux ans avant l’Europe, la guerre de Sept Ans éclatait aux Amériques !

Quelques mois plus tard, les Français prenaient leur revanche et vengeaient Jurnonville. Le 3 juillet 1754, cerné par une troupe commandée par Louis Coulon de Villiers (le frère de Jumonville) et composée de Canadiens et d’alliés Shawnees, George Washington devait accepter une humiliante reddition à fort Necessity, un camp retranché qu’il avait établi près de Great Meadows. La-reddition de fort Necessity et la capture de Washington fit l’effet d’une bombe dans les treize colonies. Sans pour autant arriver à les réconcilier. En effet, malgré le danger, chaque colonie, à l’exception du toujours très remuant Massachussetts, continuait à choyer ses prérogatives, à bouder les assemblées, et à avancer telle ou telle loi, telle ou telle conviction religieuse, pour éviter de lever plus de milices. On le devine, l’écho de ces disputes, et les difficultés qu’elles engendraient, parvint aux oreilles de Londres. A Whitehall, bien entendu, on était bien conscient que la France et la Grande-Bretagne étaient en paix. Hors de question, cependant, de laisser les colonies sous la menace des Canadiens. Suite à un enchaînement d’âpres débats parlementaires et malgré ses réticences, le duc‘ de Newcastle acceptait d’envoyer aux Amériques un corps expéditionnaire de 1000 hommes (le 44th. Foot et le 48th Foot), commandé par le major-général Braddock. En France, Versailles réagissait assez mollement à cette nouvelle portée par les ambassadeurs. Mais, par précaution, l’ordre était donné de rassembler des troupes à Brest.

La Mononghela : le massacre de la colonne Braddock
En janvier 1755, la flotte transportant le corps expéditionnaire britannique quittait son port d’attache de Cork pour accoster quatre mois plus tard à Alexandria, enVirginie. Il fut rapidement organisé une réunion entre Braddock, Dinwiddie et le gouverneur du Massachussetts, Shirley. Le plan d’opération qui en ressortit était simple, et se voulait décisif. L’armée régulière de Braddock devrait marcher sur fort Duquesne alors que les milices provinciales de New-York, du New Jersey et du Massachussetts, commandées par le new-yorkais William Johnson, devaient se répartir en deux colonnes. L’une, via la vallée de l’Ohio et Albany, devait s’attaquer aux forts français établis sur le lac Champlain, une autre devait mettre la pression en Acadie. William Johnson comptait sur son amitié avec les Mohawks (une nation iroquoise avec qui il avait établi un négoce de peaux) pour obtenir du soutien local. Quand à Shirley, à la tête de deux régiments de miliciens soldés par la Couronne (les régiments Shirley et Pepperell), il avait pour mission de s’emparer du fort Niagara, établi sur la rive sud du lac Ontario, afin d’isoler de leur base canadienne les autres forts français établies plus à l’ouest.

Le corps expéditionnaire de Braddock était composé des mille hommes des régiments réguliers plus deux cent miliciens virginiens (les bluecoats) commandés par George Washinton. Gênée par l’encombrement du train d’artillerie et du train de bagages, la progression de la colonne dans la vallée de l’Ohio était très lente. Les 300 sapeurs qui, avec leurs haches, ouvraient la route dans cette zone fortement boisée, n’étaient pas de trop. Autant dire qu’une telle expédition ne passait pas inaperçue. Les éclaireurs indiens qui surveillaient la région avertirent Contrecoeur de l’avancée de l’armée anglaise. Bien conscient que les quelques compagnies de Compagnies Franches qui occupaient le fort ne pourraient rivaliser avec une armée professionnelle et supérieure en nombre, le commandant de fort Duquesne, après avoir calmé ses hommes, entreprit de faire appela ses alliés autochtones et décidait ne pas attendre que les Anglais atteignissent le fort.

Le 9 juillet 1755, à 15 kilomètres de fort Duquesne, l’avant-garde britannique, franchissant un gué, tombait dans une embuscade tendue par 800 indiens des tribus Hurons, Mongos, Outaouais, Abénakis, Caunawagas, Shawanos et Ojibwés, appuyés par 140 miliciens, 72 soldats des Compagnies Franches, tous arborant des peintures de guerre et commandés par les célèbres Langlade et Beaujeu. Le lieutenant-colonel Thomas Gage, commandant cette avant-garde, ne parvint pas à empêcher le déclenchement d’un mouvement de panique. Soumis au tir nourri des indiens dissimulés dans les bois et la pression des Canadiens qui bloquaient le chemin, les soldats refluèrent alors vers l’arrière pour se heurter à la colonne principale. Il s’en suivit une énorme confusion. Cernés par l’ennemi, les Britanniques tentèrent de former les rangs au milieu des fumées de mousqueterie, des cris de panique, des râles des blessés et des hurlements des indiens. La fusillade dura trois longues heures. Braddock fut mortellement blessé d’une balle dans le poumon alors qu’il tentait d’organiser la retraite. Seuls 23 officiers et 460 soldats, sur les 1450 qui composaient la colonne, parvinrent à se tirer de ce guêpier, abandonnant sur place blessés, canons et équipements, et bien plus triste, les quelques civils (ingénieurs et épouses) qui accompagnaient de l’expédition. Les hommes étaient achevés par les indiens, le sort des femmes fut encore plus terrible.

Dieskau et Johnson
Parmi les bagages abandonnés par les Anglais figurait le plan complet de l’offensive britannique. Les Français prirent donc connaissance de l’opération de Johnson. Celle-ci était en partie arrivée à son terme. En effet, les 2000 hommes des milices du Massachussets (commandées par le lieutenant-colonel Robert Monckton) avaient réussi à prendre le contrôle de Fort Beauséjour et s’emparer d’une Acadie faiblement gardée, exigeant des Acadiens de prêter serment de fidélité au roi George sous peine d’être déportés. Par contre, Vaudreuil, le nouveau gouverneur arrivé fraîchement de France en compagnie de régiments de ligne réguliers, n’était pas encore au courant de l’existence d’une autre colonne. Il réagit promptement en envoyant un corps expéditionnaire défendre la région du lac Champlain. Il ne pouvait cependant mobiliser toutes les troupes qui lui avaient été confiées par le roi. Il manquait à l’appel plusieurs compagnies des régiments La Reine et Sarre, capturées à bord de leur navire de transport au large du cap Race (Terre-Neuve), ainsi que 1000 hommes du régiment Artois, déposés sur l’île Saint-Louis pour défendre la citadelle de Louisbourg, qui se retrouvait désormais isolée du Canada suite à la chute de l’Acadie.
Quoiqu’il en soit, la force qui remonta le lac Champlain à bord de canoës et de bateaux plats étaient formidable. Des miliciens de Québec, des soldats des Compagnies Franches, des compagnies des régiments La Reine et Languedoc et des indiens, pour un total d’environ 1,600 hommes, commandé par Jean-Armand Dieskau, un excellent officier saxon au service de la France. Une fois arrivée à l’extrême sud du lac, la troupe mis pied à terre, en direction du sud-est, ses éclaireurs indiens ayant signalé à Dieskau la présence d’une barricade (fort Edwards, construit sur le site d’un poste de négoce en peaux), située à mi-chemin entre le lac George et le lac Scandanaga. Mais Johnson n’était déjà plus là. Après y avoir laissé une petite garnison de 500 hommes ayant pour mission de garder ses arrières, l’énergique new-yorkais avait continué sa progression vers le lac George, son projet étant d’embarquer la troupe pour remonter le lac jusqu’au promontoire de Ticonderoga et, de là, Crown Point et le fort Saint-Frédéric. En fait, les armées suivaient des trajectoires parallèles et opposées et elles s’étaient croisées sans se rencontrer !

Quand Dieskau arriva à proximité de la palissade, il apprit de ses éclaireurs que Johnson avait doublé sa position et qu’il n’était désormais plus très loin de la rive sud du lac George et du site de Saint- Sacrement. La colonne française rebroussa alors chemin pour se lancer à la poursuite de l’ennemi. Le 8 septembre au matin, Dieskau apprit qu’une colonne britannique d’environ un millier d’hommes venait à sa rencontre. L’officier saxon fit alors arrêter sa troupe, répartit les indiens et les miliciens de chaque côté de la route, dans les bois et déploya ses lignes d’infanterie sur le chemin, cachées derrière une butte. Par manque de discrétion des miliciens canadiens, les Provinciaux ne tombèrent pas totalement dans le piège et Johnson, faisant preuve d’un beau sang-froid, parvint à organiser une retraite (couverte par les 200 Mohawks) jusqu’à Saint-Sacrement, où des barricades avaient été construites dès que les premiers tirs entendus. A noter la mort dans l’engagement du très respecte Jacques Legardeur de Saint-Pierre, l’officier en charge des supplétifs Abénakis, ce qui eut une incidence dans le comportement des indiens dans l’assaut suivant.

L’après-midi, en effet, Dieskau ordonnait l’attaque du « camp Johnson ». Durant 4 heures, les assauts se succédaient. Les régiments de ligne, déployés en colonnes, les grenadiers au-devant, subissaient de lourdes pertes de la part des fusils ennemis mais aussi par le feu des trois-canons dont disposait Johnson. L’attaque a échoué en partie parce que les Abénakis et les Canadiens, qui devaient harceler les Anglais à partir des bois, restaient marqués par la mort de Saint-Pierre et ils n’ont pas apporté le soutien souhaité. Blessé deux fois à l’aine et à la jambe, Dieskau était capturé » par les Mohawks. Vers 17 heures, Montreuil, le remplaçant de l’officier Saxon, ordonnait la retraite vers Ticonderoga, qui s’opéra en bon ordre, les Anglais ne poursuivant pas. Les Français comptabilisaient environ 400 morts et blessés, un chiffre équivalent dans le camp opposé mais Johnson restait maître du terrain; Quant à Dieskau, il était sauvé in extremis d’une mort horrible par l’intervention de Johnson, les Mohawks ayant décidé de le faire cuire et de le manger !
Le fiasco de Shirley
Un peu refroidi par les pertes subies par son armée, William Johnson renonçait à la poursuite de la campagne vers Saint-Frédéric. De toute manière, il est probable que cela n’aurait pas beaucoup amélioré les affaires des Britanniques. Car malgré cette victoire et la prise de l’Acadie, force est de dire que cette campagne se soldait par un échec. En raison de la destruction de l’armée de Braddock mais aussi parce que Shirley avait échoué à atteindre fort Niagara. Parti début juillet de sa base d’Albany, avec une force de 2500 hommes, Shirley était arrivé à Shenecdaty le 24 juillet. Là, il avait embarqué ses troupes, renforcées par quelques compagnies de réguliers et 40 guides indiens, sur une centaine de bateaux pour remonter le fleuve Mohawk jusqu’au fort Oswego. Qu’il atteignit le 18 aout. Mais il était à cours de ravitaillement et le fortin, minable construction de bois défendue par quelques pièces de 3 et 4 livres, n’avait pas la capacité de satisfaire aux besoins d’une troupe si importante. Il attendit alors début septembre pour recevoir des provisions et quelques troupes supplémentaires. Puis, lors de son conseil d’état-major, il considéra que comme les Français avaient grandement renforcé les forts Frontenac et Niagara, ils avaient même mis en construction une frégate de 12 canons à fort Frontenac (n’oublions pas la découverte du plan de campagne sur le champ de bataille de la Monongahéla), il n’était pas raisonnable de continuer l’opération. Dépité, il annonça la retraite vers Albany, laissant à fort Oswego une garnison de 700 hommes. Bref, le fiasco total !

Tous ces échecs laissaient les provinces de Virginie et de Pennsylvanie dans une grande précarité car les Français, durant cet hiver 1755-1756, avaient un contrôle total sur la vallée de l’Ohio. Une hégémonie qui permettait aux alliés indiens d’effectuer des raids dans des zones moyennement peuplée. En Virginie, en Pennsylvanie, mais aussi dans le Maryland. Une déclaration de Jean-Daniel Dumas, le nouveau commandant du fort Duquesne, nous éclaire sur le sujet: « nous regrettons seulement la perte de deux officiers et de quelques soldats, alors que le village indien voisin est rempli de prisonniers de tout âge et de tout sexe. L’ennemi a perdu bien plus d’un combat lors de cette bataille (en parlant de la bataille de la Monongahela).
Extrait du film Le dernier des Mohicans, chef d’oeuvre de Michael Mann (1992). Pour l’épisode du fort William Henry, cela sera pour la deuxième partie de ce dossier.
Sources: Histoire de l’Amérique Française, de Cecile Vidal et Gilles Havard (Champs Histoire 2014); L’épopée américaine de la France, d’Alain Dubos (Bertrand-Lacoste 2017); Louis-Joseph de Saint-Véran, marquis de Montcalm, de Del Peruggia (Editions de Paris, 2005), Montcalm’s Army (Osprey Publishing, 1973), Fort William-Henry 1755-1757 (Osprey Publishing 2013); La chure de la Nouvelle-France, de Bertrand Fronck et Laurent Veyssières (Editions du Septentrion, 2013).