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Plantons le décor. Nous sommes en Grèce, berceau des culturistes huilés en jupettes, des sports naturistes en plein air (le Cap d’Agde leur doit beaucoup) et de la feta Salakis (au bon lait de brebisse). Pour ce qui est de la date, elle n’est pas précisée, mais l’on devine rapidement que l’histoire se déroule bien longtemps avant que le plus célèbre des hippies fasse son ultime promenade sur le Golgotha («Tu verras, là-haut, le point de vue est magnifique», lui avait promis un fonctionnaire italien. Il aurait dû se méfier.) Ce que l’on sait, par contre, c’est qu’à cette lointaine époque ou la seule fibre était de chanvre, bénéficiant d’un gigantesque buzz, Hercule est considéré comme une véritable rockstar antique. Tout le monde a entendu parler de ses exploits, les fameux Travaux (avec un T majuscule), au cours desquels ce paquet de muscles fâché avec son coiffeur aurait terrassé, entre autres; une hydre multicéphale super tankée, un lion indomptable, non Camerounais mais de taille XXL, et un sanglier qui ne voulait pas cuire. De plus, si Hercule s’avère être un véritable chain killer de boss op, on lui prête également quelques autres prouesses mal définies – il a été faire quoi, exactement, le colosse, chez les Amazones à la peau de velours? On voudrait en savoir plus, par Zeus! – et des accomplissements plus modestes mais bien utiles pour l’environnement, comme nettoyer les écuries puantes d’un roi peu porté sur l’hygiène. Bref, à la simple vue de son physique de star du catch (ou plutôt de lutte gréco-latine, pour resté dans le contexte), les femmes mouillent leurs culottes (enfin, leurs sandales, car elles ne portent pas encore ce type de sous-vêtements) et les hommes, bien entendu, le jalousent tous en se confondant, les pleutres, en politesses hypocrites et en compliments fleuris. Bien entendu, comme aujourd’hui, il y a des exceptions. Certaines gens vivent en dehors des modes et prennent pour foutaises tout propos sur Hercule. Comme cette bande de pirates macédoniens à l’humour douteux. Ils vont changer d’avis quand leurs dents vont croiser la trajectoire de l’imposant gourdin du viril Athénien.

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 En fait, chef d’une petite bande de mercenaires aux personnalités hautes en couleurs, celui que l’on dit fils de Zeus (bâtard serait un terme plus approprié) roule pour les rois. Et bosse pour l’argent. Son rêve est de réunir un pécule suffisant pour pouvoir se retirer dans une belle propriété du bord de la mer Noire. A la manière des anciens salopards du Politburo, quoi. Le problème, c’est que les chefs des cités grecques sont tous des pourris. Jusqu’à l’os. La mer Egée caresse les côtes d’un véritable nid de républiques bananières. Dés le premier regard, on reconnait dans ces tyrans maniérés le profil du mégalomane psychopathe et perfide. Hercule le sait – et pour cause, il en fait la douloureuse expérience, qu’il revit par des flashbacks, euh, des cauchemars – mais il va encore se faire avoir. Oui, c’est vrai, il est un peu con, notre héros, mais c’est surtout la faute du scénariste. En plus, cette fois-ci, il a une excuse: une jolie Thrace qu’il ne pouvait pas ne pas suivre – comme disait le regretté Goscinny. Du coup, lui et ses compagnons se lancent dans une campagne de nettoyage ethnique sans se renseigner un tant soit peu sur les véritables intentions de ce nouvel employeur trop poli pour être honnêtes.  Ils ignorent qu’ils sont manipulés.

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 La mission d’Hercule est, officiellement, de pacifier une région soumise aux exactions d’une bande de centaures menée par un certain Rhésos. Mais, avant cela, il va d’abord falloir former l’armée du roi, qui manque particulièrement d’expérience. Coiffé d’une tête de lion deux fois plus petite que celle du fauve qu’il est censé avoir terrassé, aidé par ses compagnons d’arme (Amphiaraos, un devin aux prédictions potaches; Atalante, une Amazone elfique; Tydée, un berserker assaisonné à l’huile d’olive et Autolycos le taciturne – tous ont des noms empruntés de la mythologie grecque mais utilisés hors contexte), Hercule accomplit sa tache avec zèle et, je passe sur les détails (comme le massacre d’une tribu étrange de ce que j’ai désigné sous le nom de pictothraces), finit par avoir raison des centaures qui, en fait, ne sont que des cavaliers stupides empalant leur montures sur les lances des phalanges du roi Cotys. Une belle équipée pleine de paf !, de pif ! et de ouch ! durant laquelle Hercule rend hommage à Bud Spencer et démontre les aptitudes martiales et physiques d’un PJ cheaté à mort. C’est bien simple, le mec est capable de lever au-dessus de sa tête un cheval et son cavalier pour les projeter à dix mètres et, pour assommer ses ennemis, il use sans forcer d’un chariot qu’il tient à bout de bras à la manière d’une massue. Impressionnant, n’est-ce pas? Et ses amis ne sont pas en reste. Le devin semble sortir tout droit d’un hack & slash et transforme avec sa lance hi-tech tous ceux qui l’approche en hachis Parmentier. L’Amazone ridiculise Legolas avec son DPS de fou – elle est de plus dotée d’un carquois magique qui ne se vide jamais. Quand au berserker, c’est le roi du fufu. Il égorge, décapite, éventre – dans des gerbes de sang numérique moisies – sans que personne n’essaie de le neutraliser. Ah, et j’oubliais Autolycos. Lui, c’est pire, c’est un taciturne. C’est super puissant, un taciturne.

Arrive le climax du film avec la confrontation tant attendue entre Rhésos (un homme très sanguin) et le champion Athénien. Voyant ses troupes en déroute, Rhésos s’énerve, brandit sa lance et charge, monté sur son fier destrier, un Hercule qui l’attend, les pieds ancrés dans le sol, sa masse fortement serrée dans ses mains. Et là, paf !, une bonne baffe dans la gueule de Rhésos et le tour est joué ! Une torgnole one shot. En fait, je n’ai pas réussi à définir s’il s’agissait d’un gag volontaire ou tout simplement du foutage de gueule. Bon, une fois qu’il a accompli son œuvre, Hercule n’est plus aucune utilité. Il devient même encombrant au regard des projets hégémoniques de Cotys. Le roi de Thrace dévoile alors son jeu et, éclatant d’un rire sardonique, chasse les mercenaires de son palais, non sans les avoir payés, histoire de bien les humilier. D’ailleurs, pour réunir la somme, il a employé une technique encore en usage de nos jours, elle lui doit d’ailleurs son nom; la… cotysation (hum… désolé). Mais Hercule est vexé. Il s’en veut d’avoir été dupé et, du coup, il ressort la boîte à gifles. Ça va chier. C’est sûr.

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 On connait Brett Ratner. C’est un rigolo. Enfin, la plupart du temps, il ne fait marrer que lui-même. Là, ça marche un peu mieux qu’à l’habitude. Peut-être grâce à l’aspect nanar spaghetti qui ressort de cette bouillie filmique aux atours bien trop lisses, et qui flatte mes penchants pour le cinéma bis. Difficile à affirmer. Le scénario, qui est basé sur une série de comic books que je n’ai pas lue (et ce film ne m’a pas donné envie de corriger cette lacune), a pour seul argument digne d’intérêt la démystification du personnage mythologique d’Hercule. En effet, cette relecture part d’un postulat original: le demi-dieu est en fait un simple mortel dont l’aura divine est totalement fictive, le fruit d’une légende entretenue par son conteur de neveu. Enfin, un homme pas tout à fait comme les autres, quand même. Il suffit de le voir détruire à mains nues un temple d’Héra pour s’en convaincre. Et c’est là que cela devient bancal: Hercule est un homme ordinaire doté d’une force extraordinaire, sans qu’aucune explication ne soit donnée sur ses capacités surhumaines. Bref, c’est débile et ce qui aurait pu être le gentil support d’un sujet de réflexion sur un phénomène bien actuel (le milieu people, panthéon d’un nouveau polythéisme débilitant ?) sombre dans un défouloir référentiel pour geek – même constat pour Atalante, personnage qui semble sortir de l’univers de Tolkien. Cette façon très pratique de bouffer à tous les râteliers est omniprésente dans toutes les composantes du film, même par son traitement général, qui emprunte autant à 300 (les soldats du roi manœuvrent comme dans le slide-show papier glacé de Zack Snyder, poussant les même Ahou! Ahou!) qu’à tous ces péplums produits dans les années 50 et leurs fades révisions actuelles qui marquent autant par leur photographie chiadée que par leur absence de substance (Persée, Le choc des Titans, Pompéi…) et leur humour d’ado attardé. Cependant, tout cela, à la condition que l’on mette son intellect en mode NRJ12, forme un ensemble divertissant qui flirte avec le cartoon, le jeu vidéo et le nawak historique (ça manque de blondes à forte poitrine, quand même).

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 Pour finir, un mot sur le casting. Je suis fan de Dwayne Johnson, alias The Rock. Ben là, je dois l’avouer, il est sacrément nul. Aussi convaincant que le serait Mimi Mathy déguisée en géant des glaces. Parfois, j’ai même l’impression qu’il se demande ce qu’il fout dans cette galère, tant son regard s’égare dans le vide. Son «jeu» atone contraste, de plus, avec le cabotinage ridicule d’un John Hurt, grimé comme pour Carnaval et qui nous sert une interprétation me rappelant un personnage jusqu’alors enfoui dans les profondeurs de mon subconscient cinéphage: le Profion de Jeremy Irons (Donjons & Dragons). Dans le même style, en roi d’Athènes, Joseph Fiennes ne fait guère mieux mais, bon, avec lui, on a l’habitude. Enfin, autour d’eux, satellisent une pléiade de bons acteurs, hélas confinés à des rôles secondaires et/ou inintéressant; Rufus Sewell, le génial Ian McShane, Peter Mullan. Tous ont eu l’air de bien s’amuser. Tant mieux pour eux.

Ma côte: 2,5/5

Hercule (USA – 2014)
Titre original: Hercules
Un film de Brett Ratner
Scénario de Ryan Condall et Evan Spiliopoulos d’après le comic book de Steve Moore
Avec: Dwayne Johnson, John Hurt, Ian McShane, Rufus Sewell, Aksel Hennie, Ingrid Bolsø Berdal, Reece Ritchie, Joseph Fiennes, Tobias Sandelmann, Perter Mulan, Rebecca Ferguson.